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Le Blog de CL

3 mai 2017

Va voter !

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En théorie, je continue à penser que cela est juste. Malgré tout, l'Amour passant avant la Justice dans mon "système de valeurs" comme on dit, en pratique, j'irai voter ce week-end pour le second tour des présidentielles françaises. Et dans un sentiment mitigé, entre devoir moral & l'idée qu'il faut quand même bien apprendre du passé, je déposerai mon bulletin de vote comme une dérisoire - mais nécessaire ? - goutte d'eau dans le marasme ambiant.

 

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25 avril 2017

N'a pas voté !

J’ai quitté la France pour émigrer au Canada il y a 18 ans. Depuis, je ne suis pas retournée y vivre, je n’y ai contribué en rien et n’en dépends pas non plus, pour les quelques services consulaires d’usage. Pourtant j’ai toujours le droit de vote. Mieux, mes filles (14 et 16 ans) qui sont nées au Canada, qui y vivent depuis leur naissance, qui vont à l’école québécoise pourront, sous prétexte de citoyenneté liée au droit du sang, voter pour les élections françaises à leur majorité. Et ce qui est vrai pour moi et pour mes filles, l’est aussi pour les presque 2 millions de Français à l’étranger. Heu… ça ne choque personne ?

 

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Des touristes qui votent 

J’y vois pour ma part une falsification des principes démocratiques. Quand des personnes extérieures à une communauté se prononcent sur le devenir de cette communauté, cela s’appelle de l’ingérence.

La démocratie, pour rappel, est un système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par l'ensemble de ses citoyens. Or, qui est le peuple, dans le cas des élections françaises ? A l’ère de la mobilité migratoire, nous sommes de plus en plus nombreux à être multipatrides - par droit du sol ou droit du sang, par filiation, par mariage - et nous pouvons par conséquence voter dans plusieurs pays. Mais peut-on décemment se réclamer d’une société quand on n’y vit pas, quand on n’y contribue en rien,  sinon tout au plus à l’économie touristique quand on rend visite à la famille ? Je pense personnellement que non.

 

De plus, il n’y a rien d’anodin dans un choix de résider dans un pays plutôt que dans un autre, dans l’envie d’en quitter un pour en habiter un autre, et il me semble juste que ce choix se reflète dans nos devoirs civiques, qu'il y ait des conséquences pour le(s) pays dans le(s)quel(s) on ne vit pas et des responsabilités envers le pays d’accueil.  

Quand on a immigré au Canada, mon conjoint et moi y avions déjà un travail, nous y avons payé des impôts dès le premier jour, on a bénéficié du système de santé, des services de garde (deux avantages sociaux qui dérivent directement d’un choix de société décidé par voie électorale). Et ironiquement, nous pouvions voter en France (où l'on ne faisait rien de tout ça) mais pas au Canada. Il a fallu attendre 4 ans d’avoir obtenu la citoyenneté pour pouvoir le faire. Totalement absurde d'un point de vue démocratique !

 

 

Décorréler de la citoyenneté le droit de résidence du droit de vote

 

Un système plus juste démocratiquement consisterait à décorréler le droit de résidence du droit de vote. On hériterait à la naissance, par mariage ou par reconnaissance du conjoint non marié (voyons loin !) d'un droit de résidence, c’est-à-dire la possibilité d’aller s’établir dans le pays sans passer par un quelconque processus de sélection d’immigrationc. On hériterait du droit de résidence comme on hérite actuellement de la citoyenneté, de façon permanente. Cela ne donnerait pas le droit de vote automatique. Celui-ci se mériterait après avoir décidé de s’installer dans un pays et d’y être resté suffisamment longtemps pour en comprendre les rouages.  Il pourrait y avoir un temps de latence suite au départ du pays, comme par exemple être autorisé à voter durant les 4 années suivantes.

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La pire arnaque démocratique française : les députés des français à l’étranger 

 

Dans la série des aberrations, je ne sais pas si les Français de France le savent, mais suite de la réforme de la constitution française de 2008, ils payent maintenant pour 11 députés supplémentaires, les députés des français à l’étranger.  A quoi servent ces députés, sachant qu'il existait déjà des activités consulaires et 11 sénateurs pour les français établis hors de France ? Le Monde s'interrogeait en 2012, « c’est une fonction encore à définir », et j'admets que j'ignore à quoi ils servent. Ce que je sais, c'est qu'ils siègent à l'assemblée. En France, donc. Bien loin du territoire de leurs administrés qu'ils sont censés représenter. Ce qui déjà pose problème à mon sens. De plus, j’ignore combien de Français à l'étarnger payent des impots en France, mais je doute que ça couvre tous ces frais. Alors, je réitère : est-ce bien démocratique, tout ça ? Qu'en pensent les Français de France, je serais curieuse d'avoir leur opinion là-dessus.

 

 

Les FAQ

« Oui mais moi, je sais que je vais rentrer un jour en France »

Et alors ? Je ne vois pas en quoi ça devrait être une excuse pour aller voter pour la société dans laquelle tu ne vis pas présentement et dans laquelle tu envisages de retourner vivre éventuellement. Où s’arrête l’intérêt individuel et où commence l’intérêt collectif ?  Quand on a choisi d’émigrer, on a décidé de s’installer dans une société telle qu’elle préexistait à notre arrivée. On n’a pas voté pour sa bonne marche en prévision de notre venue. Aussi, il me semble juste d’envisager les choses de la même façon pour un éventuel retour en France.

 

 

« Quoiii ? Tu votes pâaaas ?! (yeux au ciel, air absolument halluciné devant autant d’insouciance civique) Nan mais tu penses à toutes celles qui se sont battues pour que t’aies le droit de vote ! »

Mais j’y pense, figure-toi. Et même,  j’ose affirmer que ma position s’inscrit dans la juste lignée de leur action. Ces femmes se sont battues pour que justice soit faite, qu’elles puissent avoir le droit de voter, d’exprimer leur voix. Je poursuis leur combat, je milite moi aussi pour un vote qui soit juste.

 

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« Même après toutes ces années à l’étranger, je me sens absolument français, je suis de près l’actualité française et ça me semble évident de voter »

Comme l’explique Amin Maalouf dans « Les identités meurtrières »,  on n’a pas à choisir parmi nos identités, pas à se définir (ou se laisser définir) comme une partition complexe des différentes identités qu’on porterait. On est l’une ET l’autre. ET l’autre encore, pour ceux qui ont plus de 2 nationalités. Mais l’identité nationale, le sentiment d’appartenance à une culture ne devrait pas être lié au fait de pouvoir voter. Tu votes dans la société à laquelle tu contribues. Point.

 

 

« J’ai des biens en France, immobiliers ou financiers. C’est normal que j’exprime ma voix »

Non. Certes, tu participes directement (tu payes peut-être des impôts liés à ces biens) et indirectement (tu permets à des locataires de résider sur le territoire, etc…) à l’économie française. Tu es devenu l’équivalent d’un investisseur étranger. J’ignore tout du cadre juridique des investisseurs étrangers en France mais je doute que ça vienne avec le droit de vote (sinon, y aurait de nombreux qatari dans les isoloirs ;-) ).

 

 

«Et le FN au second tour !? C’est hyper grave, faut faire barrage »

Il y a quoi que tu n’as pas compris dans ce que je t’explique depuis 10 mn au sujet du principe de souveraineté dont la population française vivant en France doit bénéficier et à l’idée d’ingérence que je considère de la part des Français de l’étranger ? Tiens, je vais plutôt laisser Le Chat te répondre :

lechat

 

Pour conclure

Alors oui, en effet, les français à l’étranger peuvent voter en toute légalité. Mais DROIT de vote implique-t-il nécessairement DEVOIR de vote ? Parce que le système électoral le permet, est-ce suffisant pour y souscrire  ? Est-ce légitime, même ? C’est là que le libre-arbitre et les valeurs de chacun entrent en jeu. Pour moi, c’est clair, je n’ai pas voté au premier tour et ne voterai pas au second tour, ni aux législatives qui vont suivre.

Je terminerai juste par une remarque non dénuée de jugement (je sais, c’est mal mais j’assume). Quand je vois l’engouement et l’énergie que certains français à l’étranger démontrent lors des élections françaises, je ne peux m’empêcher de trouver dommage qu'ils ne démontrent le même enthousiame pour la politique locale (Je vote CONTRE le clientélisme électoral !).

 

 

16 octobre 2016

Écrire. Ou pas.

J’ai décidé d’ajouter une nouvelle catégorie, « Écrire. Ou Pas »,  à ce blog car depuis des mois maintenant, je sèche, incapable que je suis d’aligner deux mots ou de former des phrases cohérentes qui, mises bout à bout, formeraient ne serait-ce qu’un semblant d’histoire. Le phénomène (la malédiction ?) m’est tombé dessus sans que j’en ai vraiment conscience. Comment suis-je passée d’une écriture quasi-quotidienne, à tout le moins bi-hebdomadaire, qui me permettait d’alimenter mollement ce blog en plus de noircir des tas de ficihiers qui remplissaient le répertoire ‘Ecriture’ de mon disque dur à … rien. Littéralement rien ? Je l'ignore.  Je n’ai pas vu la transition se faire.  

C’est ce qui est dingue avec les changements d’habitude. On sait ce qu’on faisait à un certain moment, puis cette même chose qu’à un certain moment, on ne fait plus. Entre les deux ? Difficile de dire ce qui s’est passé, comment nous l’avons moins fait, peu à peu, imperceptiblement, jusqu’à ne plus le faire du tout. Et combien de temps a duré la transition ? Là aussi, aucune idée.

 Dans mon cas, donc, nulle histoire ne me vient plus. Ou trop d’histoires, peut-être ? Qui ne s’empilent plus comme avant, dans l'attente d'être écrites, mais qui fuient, comme un vase trop plein ? Peut-être. Et alors, plutôt que d’écrire, j’ai réalisé que j’ai commencé à réfléchir à l’écriture. Une stupidité sans nom, si on y pense. Quel intérêt l’ouvrier a-t-il de parler de ses outils ? Je l’ignore, mais pour le moment, c'est le seul sujet – sujet vaste, sur mes silences, mon incapacité à poser des mots, à une certaine envie, voire volonté, de me taire – qui m’interroge et dont j’ai finalement envie de parler. Sur lesquel – et on notera ici l’ironie absurde de la proposition et l'imbécile contradiction -  j’ai envie d’écrire.

Donc voilà, cette nouvelle catégorie.
Où j’écrirais sur mon incapacité d’écrire.
Ou pas.

 

 

4 avril 2016

La mémoire, qui flanche

J’ai lu Une fille, qui danse de Julian Barnes, l’auteur qui aime mettre des virgules aux titres de ses livres (comme dans son Love, etc).

 Une fille, qui danse est une narration en 2 temps : dans la première partie, Tony le narrateur, nous raconte sa vie de façon linéaire, depuis sa jeunesse jusqu’à sa retraite. Il nous décrit sa jeunesse, ses années au lycée avec ses 3 amis et les aspirations classiques des années 70 selon un rythme trans-générationnel immuable :

 "A l’époque les choses étaient plus simples : moins d’argent, pas de gadgets électroniques, peu de tyrannie de la mode, pas de petites amies. Il n’y avait rien pour nous distraire de notre devoir humain et filial qui était d’étudier, de passer les examens, d’utiliser les qualifications obtenues pour trouver un emploi, et puis d’adopter un mode de vie d’un inoffensif mais plus grand raffinement que celui de nos parents, qui approuveraient, tout en le comparant en eux-mêmes à celui de leur propre jeunesse, qui avait été plus simple, donc supérieur".

Il raconte son premier amour avec Veronika, la fille du titre. Puis la vie d’adulte, avec ses drames (dont le suicide d’Adrian, un de ses amis du lycée) et ses bonheurs. Le premier amour, comme souvent, n’a fait que passer car rien n’était simple, et Tony se marie finalement avec une autre. Ils ont un enfant, divorcent et enfin, c’est la retraite. Cette première partie est une sorte d’éloge douce-amère de la banalité des humbles, ceux qui se satisfont d’une vie simple et commune, une vie à leur image, sans prétention ni lamentations.

"Et c’est ça une vie, non ? Quelques accomplissements et quelques déceptions. Elle a été intéressante pour moi, mais je ne serais pas contrarié ni étonné si d’autres la trouvaient moins intéressante. Peut-être que dans un sens, Adrian savait ce qu’il faisait. Pourtant je n’aurais manqué cela – ma propre vie – pour rien au monde, vous comprenez".

 "J’avais beau essayer – ce qui n’était certes pas très difficile – de le faire, j’en venais rarement à imaginer une vie très différente de celle qui a été la mienne. Je ne pense pas que ce soit de la complaisance ; c’est plus probablement un manque d’imagination, ou d’ambition, ou quelque chose comme ça. Je suppose que la vérité est que je ne suis pas assez excentrique pour avoir fait autre chose que ce que j’ai fait de ma vie."

La seconde partie est la rétrospective de cette même vie, toujours racontée par l’auteur maintenant à la retraite, alors qu’il reçoit un courrier inattendu qui lui fait reconsidérer sous une toute autre perspective les années passées – et particulièrement sa relation à Veronika et à son ami suicidé.

Le récit se transforme alors en un bilan de fin de vie où la satisfaction d’une petite vie simple mais vécue à la hauteur des ambitions de l’auteur, telle que présentée dans la première partie, laisse peu à peu place à une nouvelle forme de lucidité, mais aussi d’amertume et de remords. Jusqu’au rebondissement final, assez inattendu certes - mais qui personnellement ne m’a pas paru nécessaire à l’intrigue, ni apporter quoi que ce soit de plus à l’histoire.

« Le compromis et la médiocrité [sont ce] à quoi se résument la plupart des vies. « La plupart des vies » : ma vie. »

En vérité, ce livre en est un sur le temps – qui passe et qui saccage - et sur son corollaire direct, la mémoire. Car qu’est-ce donc que le temps, sinon une pure illusion mentale ? Un passé qu’on construit à partir de ses souvenirs, un présent aussi furtif qu’un soupir (qu’une virgule ?…), et un futur dans lequel on projette ce qui pourrait, un jour, éventuellement, être ?

En fait, Barnes est un auteur obsédé par le temps qui passe. Ses titres d’ailleurs parlent d’eux-mêmes : 10 ans après, la suite de Love, etc,  ou encore Quand tout est déjà arrivé. Et sa perspective face au temps oscille entre cynisme et résignation (mais soyons indulgent, Barnes est Anglais avant tout, et ne saurait se réjouir d’un bon vin, ou d’un fromage, que le temps bonifie)

« Nous vivons dans le temps – il nous tient et nous façonne -, mais je n’ai jamais eu l’impression de bien le comprendre. »

« Mais le temps... comme le temps nous soutient d’abord, puis a raison de nous... On croyait faire preuve de maturité, quand on était seulement en sécurité. On croyait être responsable, mais n’était que lâche. Ce qu’on appelait réalisme s’est révélé être une façon d’éviter les choses plutôt que de les affronter. Le temps... donnez-nous assez de temps et nos décisions les mieux étayées paraitront bancales, nos certitudes fantaisistes. »

« Il me semble que cela peut être une des différences entre la jeunesse et la vieillesse : quand on est jeune, on invente différents avenirs pour soi-même ; quand on est vieux, on invente différents passés pour les autres. »

« On se prend à répéter : « Ils grandissent si vite, n’est-ce pas ? », quand ce qu’on veut dire en réalité, c’est : le temps s’écoule plus rapidement pour moi à présent. »

Pour Barnes, le temps n’est qu’un apprentissage de la désillusion, et la mémoire – et ce qu’elle décide de conserver – est notre seul rempart pour résister et y survivre. L’âge repose sur des illusions que la jeunesse a contribué à forger, et le choix, mais surtout la forme, de nos souvenirs, ne sont que de petits arrangements avec nos consciences (nos accommodements raisonnables personnels en quelque sorte), pour tenter de traverser le déclin, en continuant à s’illusionner soi-même le plus longtemps possible.

D’ailleurs, ce n’est pas pour rien, à mon sens, si le livre commence par cette phrase :  « Je me souviens, sans ordre particulier… », suivie très éloquemment d’une liste des souvenirs jetés au hasard, selon le désordre propre aux méandres de la mémoire. Tout au long du livre, Barnes en profite pour aborder la subjectivité de la mémoire, tant dans notre petite - avec un petit h - que dans la grande – avec un grand H – Histoire :

« Nous avançons tant bien que mal, nous laissons la vie s'imposer à nous et nous nous constituons peu à peu une réserve de souvenirs. »

 « Cette version de ma relation avec Veronika, celle à laquelle je m’étais tenu pendant tout ce temps, était celle dont j’avais eu besoin à l’époque. […] Qu’avait répondu le vieux Joe Hunt quand j’avais affirmé d’un air entendu que, l’Histoire, ce sont les mensonges des vainqueurs ? « Du moment que vous vous rappeliez que ce sont aussi les mensonges des vaincus à eux-mêmes. » Est-ce qu’on se souvient assez de ça quand il s’agit de nos vies privées ? »

« C’est un des problèmes centraux de l’Histoire, n’est-ce pas, monsieur? La question de l’interprétation subjective contre une interprétation objective, le fait que nous ayons besoin de connaître l'histoire personnelle de l'historien pour comprendre la version qui nous est présentée. »

« Combien de fois racontons-nous notre propre histoire? Combien de fois ajustons-nous, embellissons-nous, coupons-nous en douce ici ou là? Et plus on avance en âge, plus rares sont ceux qui peuvent contester notre version, nous rappeler que cette vie n’est pas notre vie, mais seulement l’histoire que nous avons racontée au sujet de notre vie. Racontée aux autres, mais — surtout — à nous-même. »

Il est forcément intéressant de lire ce livre, comme moi, au mitan de sa vie, à l’heure des premiers bilans.  De même que Tony note le décalage entre ses aspirations et la réalité de sa vie, en tant que lecteur, on se surprend à se demander : quels étaient les miennes d’aspirations ? Qu’ai-je retenu de mes amis, de mes amours ? Qu’en ai-je compris et – surtout – LES ai-je compris, ces amours-là ? Et aussi, comment me leurré-je, sur ma vie, sur mes amis – et jusqu’à quel point ? Que sais-je d'eux, de ce qu’ils sont devenus ? De ce que je me rappelle avoir vécu avec eux ? De ce qui m’arrange de me souvenir ?

« Je me souviens d’une période, vers la fin de l'adolescence, où mon esprit s’enivrait de rêves d’aventure. Voilà comment ce sera quand je serai adulte. J’irai là, ferai ceci, découvrirai cela, l’aimerai, elle et puis elle et elle et elle. Je vivrai comme vivent et ont vécu les gens dans les romans. Lesquels, je ne savais pas trop, je savais seulement que la passion et le danger, l’extase et le désespoir (mais suivi de plus d’extase encore) seraient bien présents. Cependant... qui a dit cette phrase au sujet des «petitesses que l’art exagère»? Il y a eu un moment, vers la trentaine, où j’ai reconnu que mon esprit d’aventure s’était depuis longtemps tari. Je ne ferais jamais ces choses dont l’adolescence avait rêvé. Au lieu de cela, je tondais ma pelouse, je prenais des vacances, je vivais ma vie. »

 « Que savais-je de la vie, moi qui avais vécu si prudemment ? Qui n’avais ni gagné ni perdu, mais seulement laissé la vie s’imposer à moi ? Qui avais eu les ambitions habituelles et ne m’étais que trop vite résigné à ne pas les voir se réaliser ? Qui évitais d’être blessé et appelais ça une aptitude à la survie ? Qui payais mes factures, restais autant que possible en bons termes avec chacun, et pour qui l’extase et le désespoir n’étaient guère que des mots lus dans des romans ? »

 « J’ai survécu. « Il a survécu pour raconter l’histoire »- c’est ce qu’on dit, n’est-ce pas ? L’Histoire, ce ne sont pas les mensonges des vainqueurs, comme je l’ai trop facilement affirmé au vieux Joe Hunt autrefois ; je le sais maintenant. Ce sont plutôt les souvenirs des survivants, dont la plupart ne sont ni victorieux, ni vaincus. »

Je n’ai pas les réponses à tout cela, évidemment. Chacun a sa propre histoire, et les souvenirs qu'il s'est bricolé pour la construire. Qui sait, peut-être découvrirai-je à la fin de ma vie, comme Tony, que je me suis complètement trompée sur certains événements ? Et peut-être, que c’était mieux ainsi ? On verra bien.

Ma seule certitude toutefois, arrivée à 45 ans, c’est que j’en suis rendue précisément là : 

Quand les gens disent : « C’est encore une belle femme », ils veulent généralement dire : « C’était une belle femme. » 

 Merci Barnes.

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8 septembre 2015

My Early Bird Moment

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Hier soir, Mon Mec : "CL, j'ai lu un article intéressant sur une femme qui a changé ses habitudes et se lève maintenant tous les jours à 5h30. Elle y explique que grâce à ça, elle a dégagé du temps pour méditer, se relaxer et surtout pour écrire. J'ai pensé que ça pourrait t'intéresser".

Ah... L’éternelle idée du pouvoir indéniable de l'horloge biologique des lève-tôt face à celle des couche-tard. Ça a même un nom, j'ai appris ça en lisant l’article, le Miracle Morning, rien de moins ! La couche-tard que je suis connais bien tous les arguments, résumés en un dicton à la con « L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ». Je serais, parait-il, plus heureuse, plus productive, plus sportive si je daignais renoncer à mes heures nocturnes et les remplacer par leur homologues matinales. Et ce malgré d’autres études sur les structures cérébrales, les prédispositions génétiques et leur influence que les rythmes circadiens.

Les oiseaux de nuit seraient certes plus enclins à la dépression, aux addictions - alcoolisme, tabagisme, etc…- que les matinaux alors que d’autres études montreraient aussi que ces derniers en se levant tôt ne feraient que consacrer plus de temps à leur médiocrité tandis que les oiseaux de nuit posséderaient une intelligente supérieure, en plus d’avoir une réussite financière et professionnelle supérieures. Et toc !

Toujours est-il que, face à l'enthousiasme de Mon Mec, je me décide à passer outre ces querelles d'horloge de clocher et, même si certaine tentative s’était déjà avérée infructueuse, de ré-itérer l'expérience. J'ajoute une nouvelle alarme sur mon iPhone, à 5h30 du mat' donc.

5h30 ce matin. Le réveil sonne. Bien trop tôt, je l’admets mais je ne me plains pas et j'assume-tu-l-as-voulu-ma-fille. J'entends Mon Mec au sommeil si délicat, que la sonnerie a perturbé et qui s'agite. Le grognement incertain qu’il émet, loin de tout langage intelligible,  exprime pourtant parfaitement bien sa pensée :  « ‘TAIN ! NAN MAIS ELLE L'A FAIT ? SÉRIEUX, ON PEUT PLUS RIEN LUI DIRE, SHE IS SOOOOO LITTERAL !! » (je pratique Mon Mec depuis de nombreuses nuits maintenant et je sais tout de son Night Language). La parole ne lui est pas revenue qu’il se rendort déjà mais j'aurai droit plus tard dans la journée à ses récriminations au sujet de mon réveil matinal qui lui aura, je cite, « pourri la nuit ». Pour l’heure, forte de mes bonnes résolutions de la veille et rassurée sur le fait que c’est son idée après tout, je fais fi de la crisette de Mon Mec et me concentre à me lever.

5h30 donc - J'évite la réjouissante pensée sooo couche-tard qu'il soit si tôt et qu’il me reste encore une bonne heure et demi pour me rendormir et prolonger la nuit (ah ! le plaisir voluptueux de replonger dans le sommeil....) et mets un terme définitif à la sonnerie sans snoozer (premier exploit) et m’extrais du lit, sans trop de peine et avec moins de volupté, certes,  que si j'y étais restée mais avec toute la motivation propre aux bonnes résolutions,  toute pleine de l'espoir des 'tain de promesses de l'aube (second exploit).

La maison est calme. Les grognements de l'homme se sont perdus dans son roulage de couette furibard. La lumière du petit matin illumine doucement la chambre d'Héloïse qui, comme sa mère (si elle dormait seule…), dort tout volet ouvert tandis que celle d'Alexane est plongée dans la noirceur complète. Mon petit monde est là, qui dort de façon bienheureuse et j'évolue en maitresse incontestée des lieux et en silence, tel un fantôme.

Direction la cuisine pour l’incontournable thé sans lequel, quelle que soit l’heure du lever, une journée ne peut commencer. Puis j'enchaîne avec une facilité déconcertante toutes les activités de l’article que Mon Mec m'a décrites hier : j'écris, je m'étire, je lis et j'arrive même à caser quelques mouvements de yoga. Rien à redire, je confirme, c'est bien quand même d'être une lève-tôt.

Idéalement, lors de la séquence de méditation, j’avoue que j’aurais bien apprécié que mon esprit de couchard-tard récalcitrant TA GUEULE LA CHOUETTE évite de me rappeler que tout ça, c'est très sympa, mais que je pourrais le faire tout aussi bien le soir, même boire du thé, car ça n'a jamais eu aucune incidence sur mon sommeil. Mais je tente de faire preuve d’indulgence avec moi-même et avec mon esprit, et me montre absolument ravie d'avoir réussi haut la main mon premier matin de lève-tôt.

7h - Je n’ai pas annulé ce réveil sur mon iPhone, et donc celui-ci sonne à nouveau.

Je me réveille en sursaut. Dans mon lit. Le temps de mettre un peu d’ordre dans mon esprit décidemment bien sollicité ce matin, je réalise en fait que je n'ai ni bu mon thé, ni fait du yoga, ni rien écrit, ni méditer, ni RIEN DE RIEN. Sinon en rêves !

La seule chose qui demeure vraie, c'est Mon Mec, à coté, qui râle vaguement "J'ai rêvé ou ton réveil a sonné à 5h30 ?! Et tu t'es même pas levée en plus, non ?". Alors je lui raconte que non, certes, je ne me suis pas levée mais que quand même, ça fait 1h30 que je le rêve . Et que "d'ailleurs, merci mon amour pour le conseil, ça a vraiment l'air sympa de se lever tôt !".

Et, Mon Mec, toujours magnanime et positif malgré une nuit "carrément pourrie, chui naze" (dixit), de me répondre : "Non mais c'est bien, CL. C'est important aussi, la visualisation".

Bref, j'ai voulu me lever je me suis levée de bonne heure.

 

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10 septembre 2014

Où sont les femmes ?

 "Qu'est-ce qui leur prend, soudain, aux femmes ? Voilà qu'elles se mettent toutes à écrire des livres. Qu'ont-elles donc à dire de si important ?" demandait récemment un hebdomadaire qui ne s'était jamais posé la question de savoir pourquoi les hommes écrivaient, eux, depuis deux mille ans et ce qui leur restait encore à dire ! ,  Ainsi Soit-Elle, de Benoîte Groult

 

femmes

J’ai fait hier l’exercice, aussi spontanément que possible, de sélectionner 10 livres qui m’avaient marquée. Au total, j’en ai trouvé 11 (ce qui en soi est remarquable pour un Top 10), avec un autre détail tout aussi remarquable mais beaucoup moins glorieux : sur 11 écrivains, je n’ai cité qu’une seule femme… J’en ai eu mal à mon féminisme. Du coup, j’ai décidé sur le champ de rectifier le tir : Mesdames – la parole plume est à vous !

 

1. Écrire, de Marguerite Duras

Écrire.
Je ne peux pas.
Personne ne peut.
Il faut le dire : on ne peut pas.
Et on écrit.

Je sais que j’abuse un peu du procédé, mais pour Duras, c’est comme pour Zweig ou pour Gary, mêmes motifs, même punition : parce que Duras. Duras, quoi. Duras qui se résume à ces simples lettres. Voire au MD qui orne sa tombe, que je ne manque jamais d’aller visiter au cimetière du Montparnasse quand d’aventure je passe à Paris. Duras, donc. Point. Barre. Next.

 

2. Féminin pluriel, de Benoite et Flora Groult

Et tu sais que j’ai toujours considéré la jalousie comme un chantage sentimental qui ne me touche sur aucun plan. Quand c’est un calcul, c’est odieux et quand c’est un instinct, c’est désolant. Mais cette fois, c’est TOI qui es jaloux et malgré mes opinions, je ne sais pas si je supporterai longtemps de te voir malheureux.

Roman lu à 16 ans, sur le thème inusable du trio amoureux, rédigé sous la forme d’un journal écrit parallèlement par les deux femmes, la femme et la maîtresse, qui pour parfaire le cliché sont deux très bonnes amies. Ça a été le premier livre d'une longue série, à parler d’amours avec un S - Il est d’ailleurs remarquable de songer qu'amour n'est féminin qu'au pluriel, mais je dis ça, je dis rien – bien avant que je découvre l’amour nécessaire et les amours contingentes à la Beauvoir et Sartre. Le premier livre d’une éducation sentimentale basée sur la déconstruction du modèle Taille Unique du couple exclusif, un livre à envisager des avenues alternatives au modèle amoureux traditionnel. Bref, le premier livre à me faire réfléchir à l’amour donc, et à ses deux acolytes, la jalousie et la possession.

 

3. Du domaine des Murmures, de Carole Martinez

Vous avez étouffé la magie, le spirituel et la contemplation dans le vacarme de vos villes, et rares sont ceux qui, prenant le temps de tendre l'oreille, peuvent encore entendre le murmure des temps anciens ou le bruit du vent dans les branches. Mais n'imaginez pas que ce massacre des contes a chassé la peur ! Non, vous tremblez toujours sans même savoir pourquoi. 

Martinez est le nouveau trésor, de moins en moins caché, de la littérature française. Et ce livre, recommandé l'an passé par un ami (grazie Fabrizio!), son second livre après « Un cœur cousu » que je n’ai pas encore lu mais dont j’ai entendu grand bien, est une pépite de finesse et de délicatesse. Pour comprendre ne serait-ce qu’une parcelle de son immense talent de conteuse, je vous invite à regarder cette vidéo dans laquelle elle explique la genèse de son roman, le tout en racontant une histoire tout à fait captivante.

 

 

 

 

 

4. Pars vite et reviens tard, de Fred Vargas

-    Qu'est-ce qu'il fait votre ami ? demanda Adamsberg.
-    Son premier métier est d'irriter le monde mais ce n'est pas payé. Il exerce cette activité bénévolement.

J’ai choisi ce livre – car j’adore son titre - mais je cite ici Fred Vargas pour l’ensemble de son œuvre. Vargas, c’est la Comfort Food appliquée à la lecture : des intrigues absolument invraisemblables, des caricatures en guise de personnages (qu’on voudrait comme potes ou comme animal de compagnie), le tout ficelé dans le style rapide et enlevé, parsemé de saillies caustiques, qui est la marque de commerce de l’auteure. Vargas, je l’emmène au chalet en WE avec moi, quand il neige dehors et qu’on reste au coin du feu à attendre que le temps passe en se marrant à se raconter des histoires rocambolesques.

Détail amusant, sans aucun rapport avec la littérature et qui m’a toujours amusée – Fred (Frédérique) est jumelle avec Jo (Joëlle) Vargas, artiste peintre. Fred & Jo, deux prénoms mixtes. Visiblement, elle a hérité d’une imagination que ses parents n’avaient pas.

 

5. Amours nomades, d’Isabelle Eberhardt

Un droit que bien peu d'intellectuels se soucient de revendiquer, c'est le droit à l'errance, au vagabondage. Et pourtant, le vagabondage, c'est l'affranchissement, et la vie le long des routes, c'est la liberté.

Eberhardt est de la trempe des aventurières comme il n’en existe plus à l’ère de Google Map. A 20 ans, fascinée après avoir entendu parler de l’Algérie, elle décide d’apprendre l’arabe en autodidacte et de se convertir à l’Islam. Puis, travestie en Bédouin, elle devient journaliste nomade et sillonne l’Afrique du Nord, le plus souvent seule, adoptant une identité masculine (Mahmoud Saadi) qui va lui permettre de visiter des lieux fermés aux femmes. Elle meurt prématurément, à l’âgé de 27 ans, dans une inondation. Une vie non conventionnelle donc, qui n’empêche d’ailleurs pas la femme d’aimer. Et de l’écrire joliment. Son approche du Maghreb rompt avec l’Orientalisme folklorique de l’époque et est empreint d’une autre réalité, tirée de son expérience, qui est définitvement moderne. Dans Amours nomades, elle écrit sur le voyage, sur les amours contrariées entre les peuples, sur le désert et les intrigues d’un autre temps. Une lecture dépaysante.

 

6. Il pleuvait des oiseaux, de Jocelyne Saucier

L'amour impossible n'est plus possible de nos jours. 

Par une étrange coïncidence, j’ai lu ce livre, qui parle des Grands feux qui ont ravagé le nord de l'Ontario au début du XXe siècle, en juillet l’an passé, alors qu’un autre terrible incendie venait de ravager la ville québécoise de Lac Mégantic.

Ce livre est un croisement de l’histoire (avec un petit h) de trois vieillards qui décident de se retirer dans la forêt canadienne avec l’Histoire (avec un grand H) de ces Grands Feux. Le tout écrit avec une recherche de style qui nous donne envie et de vieillir, et de quitter nos villes. Fort.

 

7. Bonheur d’occasion, de Gabrielle Roy

Elle les connaissait bien, soudain, toutes ces femmes des pays lointains, qu’elles fussent polonaises, norvégiennes ou tchèques ou slovaques. C’étaient des femmes comme elle. Des femmes du peuple. Des besogneuses. De celles qui, depuis des siècles, voyaient partir leurs maris et leurs enfants. Une époque passait, une autre venait ; et c’était toujours la même chose : les femmes de tous les temps agitaient la main ou pleuraient dans leur fichu, et les hommes défilaient. Il lui sembla qu’elle marchait par cette claire fin d’après-midi, non pas seule, mais dans les rangs, parmi des milliers de femmes, et que leurs soupirs frappaient son oreille, que les soupirs las des besogneuses, des femmes du peuple, du fond des siècles montaient jusqu’à elle. Elle était de celles qui n’ont rien d’autre à défendre que leurs hommes et leurs fils. De celles qui n’ont jamais chanté aux départs. De celles qui ont regardé les défilés avec des yeux secs et, dans leur cœur, ont maudit la guerre

A lire pour connaitre les p’tites vies de la ville basse d’un Montréal de l’entre-deux guerre. Dans ce récit à la Zola, émouvant sans être misérabiliste, Gabrielle Roy témoigne d’une période pas si lointaine, celle de la Révolution Tranquille, au travers d’une histoire d’amour entre jeunes gens issus de classes sociales différentes.

 

8. La servante écarlate, de Margareth Atwood

Il nous est interdit de nous trouver en tête à tête avec les Commandants. Notre fonction est la reproduction ; nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire : tout a été fait pour nous éliminer de ces catégories. Rien en nous ne doit séduire, aucune latitude n’est autorisée pour que fleurissent des désirs secrets, nulle faveur particulière ne doit être extorquées par des cajoleries, ni de part ni d’autre ; l’amour ne doit trouver aucune prise. Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c’est tout : vases sacrés, calices ambulants.

Une dystopie au féminin, dans laquelle, dans un futur pas si lointain et dans une société totalitaire à la 1984, la fertilité de l’espèce humaine a décliné et où les femmes redeviennent de simples reproductrices asservies. Un livre dérangeant sur la perte de libertés que l’on croit acquises mais qui restent fragiles et sujettes à un retour en arrière. A lire comme piqure de rappel pour ceux et celles qui pensent que le féministe, c’est dépassé.

 

9. Les malheurs de Sophie, de la Comtesse de Ségur

Le fouet est le meilleur des maîtres.

La Comtesse est dans ma liste car, admettons-le, aucune lectrice de ma génération n’a échappé à cet enseignement de la lutte des classe chez les nantis. Certains l’ont aussi accusée de faire de l’initiation au SM à travers ses petits con(te)s moralisateurs, remplis de génuflexions, de chatiments corporels et de rédomption. Personnellement, j’y ai surtout développé un goût douteux pour les noms à particule (particulièrement de Réan, j’adoooooorais Sophie de Réan, quelle CL-asse), et l’idée saugrenue qu’avoir âne était du dernier chic.

 

10.        Le princesse de Clèves, de Mme de la Fayette

« L'autre jour, je m'amusais - on s'amuse comme on peut - à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile avait mis dans le programme d'interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de La Princesse de Clèves. Imaginez un peu le spectacle ! » , Nicolas Sarkozy (2008)

La Princesse de Clèves donc, pour (outre sa particule) les intrigues de cour qui, lues alors qu’à la TV passaient Dallas ou autre Santa Barbara, me semblaient – sans vouloir faire concurrence à Sarkozy - d’une affreuse banalité. La Pirncesse de Clèves comme emblème de la littérature, une notion que je peine jour après jour à définir. Et aussi, pour y avoir appris cette vérité étonnante qui ne finit pas de m'étonner, selon laquelle une blonde ne devrait pas porter de jaune. Ah tiens.

 

Voilà.

Il faudrait sûrement aussi citer Rice, Badinter, Beauvoir, Bronté, Colette, Sagan, Desforges, Austen, Wolfe, Laberge, Munro (notre Nobel canadienne !), Barbery ou bien encore Reyes.

Et aussi se dépêcher d'oublier les Nothomb, Gavalda, Despentes ou pire, Angot. Car,  que voulez-vous, mon féminisme, tout comme cette liste, a ses limites.

8 septembre 2014

S’il en fallait dix

J’ai fait une pause FB durant quelques semaines. J’avais ainsi évité le Ice Bucket Challenge et pensais même, naïve que j’étais, traverser sans encombres le petit défi littéraire qui sévissait et qui consistait à partager la liste des 10 livres qui « nous ont marqués ». C’était sans compter l’ami, de la catégorie « avec un ami comme ça on n’a pas besoin d’ennemis », qui ce matin a traitreusement immiscé mon nom dans le status dans lequel il dressait sa propre liste – et BAM j’étais foutue. Le reste de la journée, je l’ai passé avec des titres de livres plein la tête, et l’impossible casse-tête d’en extraire 10. Oui, vous avez bien lu, dix. 10 …  Really ?!

 

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De peine et de misère, j’ai dressé le Top 10 ci-dessous, :

 

1. Lettre d’une inconnue, de Stefan Zweig

« Ce n'est que quand je serai morte que tu recevras ce testament, testament d'une femme qui t'a plus aimé que toutes les autres, et que tu n'as jamais reconnue, d'une femme qui n'a cessé de t'attendre et que tu n'as jamais appelée. Peut-être, peut-être m'appelleras-tu, et je te serai infidèle, pour la première fois, puisque, dans ma tombe, je n'entendrai pas ton appel. »

Parce que Zweig. Parce que ses mots d’une incroyable justesse. Parce que son talent d’écrivain qui a su rendre, avec tant de précision et de finesse, les sentiments humains. Parce que Flaubert et son « Madame Bovary, c’est moi » peuvent bien aller se rhabiller, aucun écrivain n’écrira jamais aussi bien les tourments féminins que Zweig dans cette nouvelle. Voilà, c’est dit. Résignez-vous.

 

2. Ce que le jour doit à la nuit, de Yasmina Khadra

« Là où sévissent les hommes, le Seigneur est disqualifié. Ce n'est pas juste de l'accabler des méfaits que nous sommes seuls à rendre possibles. »

Pour la mise en abyme de la schizophrénie de ce livre, écrit par un militaire qui ne voulait pas jouer l’écrivain, qui dans un monde arabo-musulman ose signer sous un pseudonyme féminin, qui raconte les questionnements identitaires d’une Algérie durant la guerre d’indépendance, le tout lu alors que, canadiens depuis quelques années déjà, nous envisagions un retour en terre française. En terminant ce livre, comment le dire autrement, j’ai su que le retour n’était pas au programme.

 

3. Le Petit Prince, de St Exuspéry

[Pas de citations – trop affligeant]

Je le mets dans ma liste pour traumatisme subi. « Le  Petit Prince », c’est mon échec personnel, ma frustration maximum, mon incompréhension perpétuelle. C’est le premier livre de mon parcours de lectrice que je n’ai pas réussi à terminer, exaspérée que j’étais (j’avais 8 ans) de la mièvrerie de l’histoire. Consciente aussi, des années plus tard, de rater un incontournable (whatever that means) de la littérature française (cocorico) et d’ignorer pourquoi.  Je l’ai enfin terminé, à 36 ans, et encore, par simple orgueil, pour le terminer avant ma fille, qui avait à le lire au programme. Je l’ai trouvé encore plus chiant que quand j’en avais 8. Bref, « Le Petit Prince » a été mon premier p’tit con.

 

4. Une prière pour Owen, de John Irving

« John, John, me dit-il. Vous êtes citoyen canadien, mais de quoi parlez-vous toujours ? De l'Amérique. Vous en parlez plus que tous les Américains que je connais. Et vous êtes plus antiaméricain que tous les Canadiens réunis ! Je vous trouve, comment dire ? plutôt monotone sur ce sujet, vous ne trouvez pas?
- Absolument pas.
- John, John, cette colère... Ça n'est pas du tout canadien ça non plus ! »

Je cite Irving, par nostalgie adolescente, période durant laquelle j’ai adoré son écriture mais force est d’admettre que je ne le supporte plus maintenant. Mention Spéciale pour « Une prière pour Owen », pour le sens de la destinée et l’idée que, pour chacun, notre heure viendra un jour.

 

5. La nuit des temps, de Barjavel

« Le silence était comme un buvard dans lequel on avait peur d'entendre les mots s'enfoncer et disparaître. »

C’est Barjavel, qui m’a initiée à la SF et grâce à qui je dois probablement d’être devenue ingénieure. Il y a 4 jours, on nous annonçait la première expérience de télépathie réussie.  Ça m’a fait doucement rigolé. Depuis « La nuit des temps », je croyais que ça existait déjà.

 

6. L’hiver de force, de Réjean Ducharme

« On s’est collés, on s’est serrés. On s’est pressés, fort, plus fort, pour abattre le mur, pour sortir, se déshabiter. Ça n’a pas marché. Ça ne marche jamais. Puis chacun a repris lui-même, chacun a ravalé comme un vomi sa personnalité. »

J’en ai déjà longuement disserté. Rien à rajouter.

 

7. Le roman de la momie, de Théophile Gautier

« Les uns cherchent l'or, les autres la vérité, les deux choses les plus précieuses du monde. »

Le roman qui m’a appris de façon indéniable le pouvoir psychosomatique de la lecture : j'ai fait la lecture improbable de ce roman, qui se passe dans le désert aride égyptien, alors que j’étais en séjour à la montagne pour des sports d’hiver. Je n’ai jamais eu froid et ai frisé souvent l’insolation cet hiver-là. Merci à Gautier pour m’avoir mis un pied dans l’orientalisme avec ce roman, et depuis je demeure irrésistiblement tournée vers le Moyen-Orient grâce à ses dignes successeurs (Maalouf, Khadra, Eberhardt, de Grèce pour ne citer qu'eux).

 

8. Des fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes

"Je ne sais donc toujours pas ce qu'est un Q.I. et tout le monde en donne une définition différente. Le mien est d'environ 100 actuellement et il va bientôt dépasser 150 mais il faut encore qu'ils m'emplissent avec quelque chose, comme le verre à mesurer. Je n'ai rien voulu dire mais je ne vois pas, s'ils ne savent pas ce que c'est ni où c'est, comment ils peuvent savoir combien on en a."

Le bouquin qui m’a ouvert l’esprit au concept d’intelligence, sur les moyens de son expression, ses prétentions et les idées souvent fausses et pré-conçues que l'on peut avoir sur le sujet. Et aussi, bien évidemment, sur sa fragilité inhérente.

 

9. Clair de femme, de Romain Gary

« La plus cruelle façon de m'oublier, ce serait de ne plus m'aimer. » 

Car, comme pour Zweig, « parce que Gary ». Pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? A cause du titre.

 

10.  L’amour est une fête, de Sylvie Bourdon

« J’apprécie les autres à condition qu’ils ne m’envahissent pas. Et il est bon que revienne, au hasard des vents, un flux enivrant de solitude. L’alternance, chère à Montherlant, je la pratique avec une régularité jamais démentie : comme dit l’Ecclésiaste, il est un temps pour aimer, et un temps pour partir » 

Premier livre érotique autobiographique signé d’un vrai nom et non d’un pseudo, sur les amours libertines et décomplexées de Sylvie donc, jeune parisienne dans les années 70 qui aime « ça » et qui en parle fort savamment. Catherine Millet et autres auteurs sans nuance de Grey, tout comme Flaubert, rhabillez-vous.

 

11.        Rien n’est jamais fini, de Maurice Chapelan

« J’écris parce que j’ai tellement le sentiment de n’être personne, que je voudrais bien faire croire aux autres que je suis quelqu’un. »

Voilà un titre qui sied bien au Numéro 11 de ce Top 10. Un livre trouvé par pur hasard chez un bouquiniste de la rue Mont-Royal et acheté sans raison sous une impulsion que je ne me suis jamais expliqué. J’y ai découvert le plume fine et incisive du secrétaire de Grasset, et j’ai parcouru le monde de l’édition parisienne – avec ses traits et ses travers – au travers du regard caustique de celui qui fut aussi chroniqueur au Figaro Littéraire.

 

J’arrête ici cette liste absurde, dans laquelle manquent cruellement les Baricco, Duras, Houellebecq, Maalouf, Dubois, Saucier, Ducharme, Proust, Roy, Milovanoff, Eberhardt, van Cauwelaert, Vargas, Bordage, Scott Card, Simmons, etc… etc… et m’empresse de la poster ce soir, afin de ne plus y revenir et de me libérer de cette insupportable torture. ** soupirs **

25 août 2014

Le Sphynx du carrousel‏

« Qui n’a pas de roulette le matin, deux roulettes à midi et quatre le soir ? ».

C’est l’énigme du Sphynx, revue et corrigée en ce XXIème siècle, qui m’est passé par la tête à la descente de l’avion en provenance de Montréal, hypnotisée que j’étais par la valse lente des bagages sur le carrousel de l’aéroport de Marseille. Je regardais les jeunes gens, routards en puissance – le signe extérieur du poncho ne trompe pas – dont  les heures d’avion n’avait pas entamé l’énergie et qui empoignaient avec vigueur leur sac à dos. Et ces autres, entourés de gamins hurlant qui voulaient faire du rodéo avec le caddie, avec leur valise à tirer à deux roues. Et enfin, pour les plus modernes, pour les plus vieux, pour les plus fatigués ou pour ceux avec des problèmes de poignets, le modèle à quatre roues. Un modèle comme la mienne donc, avec les 4 roues du soir, achetée une semaine auparavant, pour un peu toutes ces raisons (l’âge, la paresse et les poignets en vrac).

Bon, il n’y avait pas d'Œdipe pour répondre à mon énigme. De toute façon, si j’ai à peine un buste de femme, je n’ai de toute façon pas le corps d’un lion. Et de me dire que ‘tain, cette année vraiment, le décalage horaire commençait quand même bien fort avec ces considérations mythologiques.

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[autre considération pas rapport, pour citer ma fille : le S dans "carrousel", tout comme dans abasourdi d'ailleurs, se prononce " S" alors qu' il devrait se prononcer " Z" , prononciation qui est par ailleurs acceptée] 

 

 

 

16 juin 2014

Un voyage avec Alessandro

 Parce que c’est venu de Soie, dorénavant, ça va de soi.

J’ai fait une chose en janvier 2011 que je n’avais jamais faite auparavant : j’ai passé 15 jours avec le même auteur, comme on part 15 jours en voyage au long cours. J’avais, pour cette traversée littéraire, choisi Alessandro Baricco. Encore que « choisi » soit mal ... choisi justement. Je n’ai pas choisi, il n’y avait pas de destination préméditée, rien. Juste que dans ma bibliothèque, cet hiver-là, je re-découvrai par hasard Cette histoire-là, son dernier roman à cette époque, et qui datait de 2007. Puis, allez savoir pourquoi, j’ai enchaîné Océan mer (1998), Sans sang (2003), puis Soie (1997), son roman phare qui l’avait fait connaitre. Ensuite Novecento : Pianiste (1997) pour terminer dignement cette série par son premier roman, Les châteaux de la colère (1995).

Baricco a un style singulier, son univers romanesque est toujours à la limite du réel, les dates et les lieux sont généralement mal définis, les personnages, à la limite de la caricature, le tout forme l’ensemble évanescent et orinique caractéristique de cet auteur. Alessandro Baricco a d’ailleurs créé sa propre école de narration (la Scuela Holden) à Turin, pour enseigner ce style atemporel et apatride. Atonal aussi, disent les connaisseurs. En effet, Baricco est avant tout musicien, diplômé en musicologie, et la musicalité de ses phrases se révèlent dans chacune de ses œuvres. Ne parlant pas l’italien, j’ai lu les traductions françaises de ses livres, et grâce aux racines latines communes je suppose, même en français, la cadence et le rythme de sa prose rappelle une musique vaguement entêtante. De même, l’organisation de ses livres ressemblent à des partitions, bâties sur les variations d’un même thème mélodique.

C’était la première fois que je lisais ainsi un même auteur en série. J’avais évidemment déjà lu plusieurs livres d’un même auteur, mais jamais en séquence. La granularité de ces lectures était donc de l’ordre du livre, pas de l’ordre de l’univers romanesque, tel que j’ai pu l’appréhender avec l’approche prise pour la re-lecture de Baricco.

Au-delà des livres, j’ai ainsi pu extraire les thèmes chers à l’auteur : comme le départ (pour l’homme) vers un ailleurs qui n’est pas forcément mieux, l’attente (pour la femme) dans un stoïcisme et un retrait qui ne sont pourtant pas lâcheté mais maitrise des sentiments, il y a l’étranger (le lieu étranger, le fait d’être étranger à soi, aux autres, etc …), l’amour fou aussi, inconditionnel et inexplicable. La douce folie liée à une obsession (comme cet homme célibataire dans Océan mer, qui écrit pendant des années, avant même de la connaître, à la femme qu’il épousera... et qui finira par jeter les lettres face au désastre de son mariage ; l’obsession d’un autre pour les courbes gracieuses des circuits de courses automobiles ; la recherche par une femme d’un homme, dans Cette histoire-là ou encore, la quête de son bourreau, mais néanmoins sauveur, de l’héroïne de Sans sang).

Au travers de ces différents thèmes, on sent les déchirements de l’auteur, pris entre ses tendances naturelles aux passions éphémères et ses aspirations véritables à la constance des sentiments. 

Baricco croit aussi au sens de la vie, à la destinée (« le but vain de notre misérable existence ») et au pouvoir de la mer sur cette dernière. L’océan, cet élément « qui nous échappe, qui nous contrôle et qui régit parfois certaines destinées ».

 Je ne crois pas à la destinée mais j’avoue que le concept me plait. C’est tentant, cette idée que l’on est voué à quelque chose qui nous dépasse. Que nos vies ne soient pas vaines mais tournée vers un but, fut-il ultimement un succès ou un échec. Pourtant, comme pour l’amour toujours, on sent que Baricco n’y croit pas vraiment lui-même et qu’il utilise ce subterfuge pour justifier des actes parfois inexplicables de ses  personnages.

 

Curieux comme les gens sont eux-mêmes, bien avant de le devenir.

Il m’a dit qu’à son avis les gens vivent des années et des années, mais en réalité il y a seulement une petite partie de ces années-là qu’ils vivent vraiment, et ce sont les années où ils réussissent à faire ce pour quoi ils sont nés. Là, alors, ils sont heureux. Le reste du temps, c’est du temps qu’ils passent à attendre ou à se souvenir. Quand tu attends ou quand tu te souviens, m’a-t-il dit, tu n’es ni triste ni heureux. Tu as l’air triste mais c’est juste parce que tu es en train d’attendre ou de te souvenir.

 

J’ai donc relu Baricco. J’ai regardé la mer se balancer et vu le destin d’hommes et de femmes s’accomplir. Souvent de façon désastreuse et dramatique et je me suis demandé pourquoi ? Pourquoi torturer ainsi ses personnages ? Pourquoi leur imposer des destins si tragiques, si impossibles ?

J’ai eu ma réponse deux ans plus tard, à la lecture d’ « Emmaüs », son roman autobiographique paru l’an passé. C’est ce récit d’une adolescence torturée, prise entre les exigences d’une éducation catholique, les amitiés teintées de rivalité amoureuse, de désir inavoué (car inavouable) et de fascination pour une jeune fille de la bourgeoisie décadente attirée par la mort, qui illustre, justifie et explique mieux que tout les précédents romans.

J’y pensai cet après-midi, dans une librairie de Québec, en découvrant son tout dernier roman « Mr Gwyn ». Et me demandai ce que j’allais découvrir cette fois.

 Citations

Cette histoire-là 

 

Car le vrai talent est d’avoir les réponses quand les questions n’existent pas encore.

Il explique que personne ne doit jamais  penser qu’il est seul, car en chacun de nous vit le sang de ceux qui nous ont engendrés, et cette chose-là remonte jusqu’à la nuit des temps. Ainsi nous ne sommes que le méandre d’un fleuve, qui vient de loin et continuera après nous.

 

Il n’y a pas d’héroïsme dans les châtiments que l’on s’inflige à soi-même, ce ne sont pas des châtiments, en vérité, mais des plaisirs insondables.

 

Dans ce genre de monde, la bienfaisance est une sorte de sport. Ce qui compte, c’est d’arriver classé.

 

Je voudrais vivre là où l’Histoire n’arrive pas. Y a-t-il un endroit qui échappe à l’Histoire ? Eh bien, c’est là que je veux vivre.

 

Ecrire est une forme sophistiquée de silence.

 

Je suis une femme heureuse, comme devraient l’être toutes les femmes dans l’éclat de cet âge lumineux. J’ai des faiblesses élégantes, et des cicatrices charmantes. Je n’ai plus d’illusions sur la noblesse des gens, et c’est pourquoi je sais apprécier chez eux cet art inestimable de pouvoir cohabiter avec leurs propres imperfections. Je suis clémente, enfin, avec moi-même et avec les autres. Je suis donc prête à vieillir, en me promettant de le faire dans les excès et dans les sottises. Si l’âge adulte nous a donné ce que nous voulions, la vieillesse doit être une sorte de seconde enfance où nous revenons jouer, et il n’y a plus personne pour nous dire d’arrêter.

 

-   Je n’étais pas amoureuse de lui.
-   Ça arrive, a-t-il dit.

 

-   Il dit que c’était sûrement la femme de sa vie.
-   Et pourquoi ?
-   Parce qu’elle était méchante. Elle était folle, méchante, complètement tordue. Elle était vraie, si vous voyez ce que je veux dire. Elle était une route avec plein de virages absurdes, qui filait en rase campagne, sans jamais s’inquiéter du retour. Sans même savoir où elle allait exactement.
Il fit une petite pause.
-   Un de ces routes sur lesquelles on se tue.

 

Elle découvrit, comme il arrive souvent, que si farfelue et géniale que puisse être l’intuition qu’a eue quelqu’un, il y a toujours, de par le monde, un nombre impressionnant de personnes qui ont eu exactement la même. Il était même possible de trouver quelqu’un qui aurait mis au point une variante encore plus étonnante.

 

Ce n’est pas important si, à la fin, les gens n’arrivent pas à se trouver. Ne pas se trahir, c’est ça qui est important.

Océan mer

Il ressentit une étrange ivresse : comme s’il venait de se jeter par la fenêtre. C’était un homme qui avait un certain esprit pratique : puisqu’il était là, dans les airs, il décida qu’il pouvait aussi bien essayer de voler.

 

Un type s’invente des grandes histoires, en fait, et il peut continuer pendant des années à y croire, peu importe si elles sont folles, et invraisemblables, il les a en lui, c’est tout. On peut même être heureux, comme ça. Heureux. Et ça pourrait ne jamais se finir.

 

-   Quelquefois je me demande ce que nous sommes en train d’attendre.
Silence.
-   Qu’il soit trop tard, madame. 

 

C'est une belle manière de se perdre, que se perdre dans les bras l'un de l'autre.

Ecrire à quelqu'un est la seule manière de l'attendre sans se faire de mal.

Il faut toujours semer derrière soi un prétexte pour revenir, quand on part.

Ne rien faire est une chose. Ne rien pouvoir faire en est une autre.

On croit que c'est autre chose qui sauve les gens: le devoir, l'honnêteté, être bon, être juste. Non. Ce sont les désirs qui vous sauvent. Ils sont la seule chose vraie.

[...] combien ce serait beau si, pour chaque mer qui nous attend, il y avait un fleuve pour nous. Et quelqu'un - un père, un amour, quelqu'un - capable de nous prendre par la main et de trouver ce fleuve - l'imaginer, l'inventer - et nous poser dans son courant, avec la légèreté de ce seul mot, adieu.

Elle marchait, et elle savait vers quoi. C'était ça l'important. Une sensation merveilleuse. Quand le destin finalement s'entrouvre, et devient chemin visible, trace indéniable, et direction certaine. Le temps interminable de l'approche. Ce moment où l'on accoste. On voudrait qu'il ne finisse jamais. Le geste de s'en remettre au destin. C'est une émotion, ça. Plus de dilemmes, plus de mensonges. Savoir où. Et y aller. Quel qu'il soit, ce destin.

Parmi toutes les vies possibles, il faut en choisir une à laquelle s'ancrer, pour pouvoir contempler, sereinement, toutes les autres.

 

Soie 

C’était au reste un de ces hommes qui aiment assister à leur propre vie, considérant comme déplacée toute ambition de la vivre. On aura remarqué que ceux-là contemplent leur destin à la façon dont la plupart des autres contemplent une journée de pluie.

Tout les étonnait : en secret, leur bonheur aussi. Si on le lui avait demandé, Hervé Joncourt aurait répondu qu’ils allaient continuer à vivre ainsi, toujours. Il avait en lui la quiétude inentamable des hommes qui se sentent à leur place.

 

Sans sang

On a beau s’efforcer de vivre une seule vie, les autres verront mille autres vies dedans, et c’est pour ça qu’on n’arrive pas à éviter de faire du mal.

 

Emmaüs

Si je cherche à explique l’écart de caste qui nous sépare, rien ne me semble plus pertinent que de remonter à ce qui les rend irrémédiablement différents et en apparence supérieurs – leurs destins tragiques. Une certaine expérience du destin, et en particulier du destin tragique. Alors qu’en ce qui nous concerne – il conviendrait de dire que la tragique, nous ne pouvons nous le permettre, et peut-être qu’un destin non plus-, nos pères et nos mères diraient que nous ne pouvons nous le permettre. Nous avons donc des tantes qui passent leur vie en fauteuil roulant suite à des attaques d’apoplexie répétées – elles bavent poliment et regardent la télévison. Pendant ce temps, dans leurs familles à eux, des grands-pères en complet signé se balancent, tragiques, sous des poutres auxquelles ils se sont pendus après plusieurs échecs financiers.[…] Nous avons des destins mesurés, qui semblent répondre à un mystérieux précepte d’économie domestique. Ainsi, exclus du tragique, nous héritons de la bagatelle du drame[…]. Ce qui nous rendra pour toujours médiocres, isolés – et intouchables.

 

mrgwyn baricco

12 juin 2014

Please ignore

Ça commence tranquillement à la réception d’un email, adressé à une mailing list à laquelle tu appartiens, intitulé « test » et dont le corps du message indique « Please ignore. Thanks ».

Ça continue un peu plus tard quand un des destinataires a la curieuse idée de répondre « received » ( ?). On peut à la limite être indulgent face à sa réponse à un message qui indiquait tout de même **assez** explicitement de ne rien faire. Mais peut-on vraiment pardonner à ce con de n’avoir pas fait gaffe que la mailing list est sous forme d’un alias, c’est-à-dire qu’un simple reply à cette adresse est envoyé à tous (non, je ne suis pas dure envers ce type, cette mailing list est celle d’un organisme renommé dont les membres sont supposés au fait de ces détails bassement techniques).

Du coup, va savoir pourquoi et c’est d’ailleurs là que tu arrêtes assez vite de prêter une forme d’intelligence à tes contemporains, cette réponse fait jurisprudence sur l’initial message et, BIM, ça déclenche une réaction en chaine. C’est festival du reply dans ta inbox. Ce sont des « Test ok ! », « Msg ack », « Ok for me » et autre variations sur le thème de qu-est-ce-que-t-as-pas-compris-dans-PleaseIgnoreThanks.

bouh

Rendu-là, l’incrément de ta inbox s’emballe. Tu renonces à trouver une quelcone logique, mais tu avoues quand même que tu frises l'envie de meurtre quand tu reçois le WTF-email qui t’explique que « Dear all, ignore means ignore ;) »

Finalement, tu respires un bon coup car, va savoir pourquoi, est-ce parce « ignore means ignore » est plus clair ( ?) que « please ignore » ou parce que tous les illettrés-pas-bilingual de la liste se sont déjà exprimé, toujours est-il que ALLÉLUIA, FI-NI LES REPLIES !!

Tu es d’ailleurs à 2 doigts d’oublier l’affaire quand, 6h plus tard – et tu imagines d'ailleurs très bien la scène : le mec de retour de vacances, il dépile ses mails et y répond le boulet avant même d’avoir lu tous les emails d’un même thread – bref, 6h plus tard donc, tu reçois le 62ème email qui t’annonce, très joyeux, que « Test received !!! » ( les points d'exclamation, si ça vous trahit pas un mec de retour de vacances, avouez).

Bref. Grosse fatigue.

2801-UneWired

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