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Le Blog de CL
14 novembre 2008

Comme d'habitude

Dans une pizzéria à coté du bureau, un midi de cette semaine. Après le repas, je commande un thé.  Le pizzaïolo, virtuose qui assure aussi bien la confection des pizzas, la mise au four, le suivi de la cuisson que la tenue de la caisse, me le sert dans un sourire charmant : "Je vous l'offre".  Surprise! Cela fait si longtemps que je n'ai plus reçu ce genre de cadeau. Ici, à Montréal, le personnel des cafés est essentiellement composé d'étudiants, qui vont et viennent, jamais les mêmes, et qui de toute façon n'ont pas l'autorité pour faire ce genre de faveurs. Le process de fidélisation de la clientèle passe, avec (plus ou) moins de bonheur, par une carte de fidélité, qu'on doit faire poinçonner  (quand on pense à la sortir) et qui nous donnera droit, au bout du 10ème café à un café gratos, servi avec la même indifférence qu'un café que l'on paye.

C'est très loin du petit geste "c'est la maison qui offre" et de ce qu'il signifie. Cette façon que je juge plus délicate de vouloir vraiment faire plaisir au client.

Moi qui ait tant de mal avec les habitudes, j'adore la notion "d'habitué". Ce status particulier que l'on acquiert peu à peu, au fil du temps, par le simple fait de revenir régulièrement au même endroit. Quand j'habitais Paris, je m'arrètais souvent prendre mon thé matinal dans un café, rue Pernety. Pas forcément tous les jours, mais tout de même, plusieurs fois par semaine. Le garçon au comptoir était toujours le même, un homme sans âge, qui faisait partie intégrante du décor et qui participait directement à la convivialité de l'endroit. Peu à peu, je suis devenue une habituée.

Le processus, quoique lent et quasi-imperceptible, est aussi immuable. Il y a d'abord les matins où l'on nous précède sur la commande "Un thé Earl Grey pour la demoiselle ?". Puis ensuite, on rentre, un sourire et sans mot dire, le thé nous est servi. Quelquefois, sans raison apparente (parce qu'il faisait beau, parce que le garçon était d'humeur généreuse, parce que ce jour-là il voulait me faire plaisir, ou se faire plaisir par un petit geste courtois) le garçon me souriait en complice, et au moment de me servir ou au moment de payer, m'annonçait dans un sourire galant "C'est la maison qui offre".

Il y a un vrai plaisir à se voir ainsi offrir les petits riens qui ponctuent nos vies. Le plaisir du privilégié, qui nous donne une importance, moindre mais réelle. Cette impression  d'être reconnu, de sortir du lot, de n'être plus un nobody qui commande son thé, mais plutôt la-demoiselle-qui-boit-du-thé-Earl-Grey-le-matin-sur-le-chemin-de-la-gare.

Comme si, le fait qu'un garçon de café, avec qui on ne discutera peut-être jamais d'autre chose que du temps, en nous offrant "de la part de la maison" notre thé quotidien justifie notre petite personne et sa présence ici et maintenant.

J'y songerai encore, en buvant un thé au Sushi shop "vous y avez droit, votre carte est full".

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