Je serais (pas mal) biaisée
Vendredi soir, soirée resto avec un pote. Docteur en psychologie cognitive, le genre où tu fais gaffe à ce que tu dis parce que tu sens que ça va être disséqué, analysé voire déformé et critiqué.
Comble de l'horreur, le pote en question est spécialiste en biais de jugement, prise de décision et raisonnement. Du genre, si j'ai bien tout compris, à mesurer nos préférences en matière d'investissement boursier rien qu'en étudiant quelle couleur de M&M's les chimpanzés préfèrent.
Et ensuite, on s'étonne que c'est la crise ('tain, les singes, la prochaine fois, les M&M's, c'est les jaunes qu'il faudra choisir, ok ?).
Bref, première épreuve : le choix du plat. En terme de prise de décision ça se pose là tout de même. J'ai voulu faire simple, je me suis dit, ne perdons pas de temps, allez hop, la première ligne du menu. Coup dur, le poison du jour. Me suis souvenue in extremis que la dernière fois que j'avais bouffé de l'arsenic, j'avais été à l'article de la mort, malade toute la nuit. Total, j'ai choisi la ligne suivante "le saumon grillé". Pour le vin, je l'ai laissé choisir, on n'est jamais trop prudent. Un excellent choix pour le maître ès décision, un Gewurztraminer alsacien (d'un autre coté, avec un tel choix, on est sûr de ne jamais se tromper, mais je n'ai rien dit, ne soyons pas désagréable tout de même, ça faisait quand même un bail qu'on ne s'était pas vu).
Jusque-là, la soirée se déroulait sans bavure. La discussion allait bon train, il me parlait de ses travaux,de recherches, de ces choses auxquelles on croit ("les croyances") qui biaisent notre jugement comme par exemple "Je vais te poser un problème et si tu perds, tu paies le repas". (NDLR, ça m'a rappelé une réflexion de Lucchini dans le film Paris, "En France quand on est chercheur, on cherche surtout à joindre les deux bouts" - Just kidding mon ami ;-)).
Bref, c'est fou comme ce genre de déclaration porte en elle-même un biais de jugement. Car, comme une conne, j'ai accepté "Allez, vazy", sachant pertinemment que j'allais tomber droit dans le panneau (allez, Cheeta, vert le M&M's).
Le problème de Bar-Hillel et Falk, donc, est, parait-il ,un paradoxe contre-intuitif très connu en statistiques . Si tu le dis... Le problème, donc.
Nous avons 3 cartes. Une avec deux faces bleues (BB), une avec deux faces rouges (RR), et une avec une face bleue et une face rouge (RB).On tire une carte que l'on pose sur la table, la face apparente est bleue. Quelle est la probabilité que la face cachée soit bleue ?
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Forcément, j'ai répondu 1 chance sur 2. Logique (pensai-je). Puisqu'il y a deux cartes avec au moins une face bleue (BB et BR), la probabilité que la face cachée soit bleue est 1/2. CQFD.
ET BEN FORCÉMENT, Ç'EUT ÉTÉ TROP SIMPLE (et mon pote n'aurait pas parié son repas sur un raisonnement aussi bête). En fait, la réponse est 2/3. Je sais, j'ai eu du mal moi aussi à l'envisager. De retour à la maison, l'addition dans les dents et le Gewurzt' dans le sang, j'ai rêvé face bleue et face rouge toute la nuit. Entre autre chose.
Pour la démonstration finale, je la donnerais à ceusses qui, comme moi, sont joueurs. A savoir, ceux qui
- ont lu ce post jusqu'au bout (statistiquement, sans biais possible, au nombre de 2),
- s'intéressent aux stat's (il en reste 1),
- qui n'ont pas été cherché la réponse sur Internet
- et qui ne sont pas bloqués sur "Mais si ! C'est 1 chance sur 2, voyons CL !!!"
Et après, allez, M&M's pour tout le monde !