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Le Blog de CL
13 février 2010

Disparue !

Les réparations de la cuisine et de la salle de bains sont enfin terminées. Je reprends mon emménagement là où je l'avais laissé. Ménage. Ouverture des derniers cartons. Mais une interrogation m'obsède. Où est ma sculpture en bronze ?

Pour mes 35 ans, j'avais décidé de m'offrir une sculpture. Un bronze, un vrai. Un que je pourrais toucher, sentir du bout des doigts, comme cela nous est interdit dans les musées. Je souhaitais avoir mon oeuvre d'art. Un truc qui aurait du sens, que je trouverais beau. Dont je serais fière. Je me souviens de mes démarches à l'époque. Dans les galeries d'art sur Sherbrooke, sur Ebay, dans des magasins d'antiquités. J'avais eu quelques coups de coeur. Tous en dehors des moyens de mon porte-feuille ...

Puis je l'avais trouvée. Elle. Au hasard de je ne sais quelle recherche sur Internet. J'avais eu le coup de foudre. Elle m'a parue belle immédiatement, j'ai tout de suite aimé la pose, le fini brut. J'avais enfin le chef-d'oeuvre, la pièce d'art que je recherchais. J'avais passé commande.

Je l'avais fait livrée au bureau, je me souviens. Plus simple que de se faire livrer chez soi, recevoir le carton de la Poste parce qu'on n'est pas chez soi aux heures normales d'ouverture et tenter de trouver un créneau horaire pour récupérer le paquet. J'avais reçu la boite, lourde, dans mon cubi. Elle était là, mon oeuvre, protégée dans de la mousse auto-moulée à ses formes. Il y avait le certificat d'authenticité. Tout le package, quoi. De l'art. Du vrai. Du exprès pour moi. J'avais adoré.

sculpture

Je l'ai montrée à mes amis, j'en étais fière. Je la regardais souvent, dans le calme que procure le beau. Je la caressais du bout des doigts, j'aimais ressentir ses creux et ses bosses. Les déliés, les replis. J'essayais de faire de même, quand je me tentais au modelage de la glaise. Un ami avait eu cette question étonnante "Pourquoi avoir choisi une femme qui pleure ?". C'est drôle, je ne la voyais pas ainsi. Pour moi, c'était une femme tournée sur elle-même, en introspection. Ni triste ni gaie. Coupée du monde, oui. Je l'aimais parce qu'elle me ressemblait. Certains jours.

Seulement voilà. Elle a disparue !

Je suis désespérée. L'étrange effraction dont j'ai été victime me revient en mémoire. Je pense tout de suite qu'on me l'a volée. C'est mon seul objet de valeur. Je n'arrive plus à savoir si je l'ai sortie d'un carton du déménagement ou non. Il n'en reste qu'un, de carton. Etiquetté "mini théìères". Je me rappele l'avoir fait, je n'ai pas le souvenir d'y avoir mis ma sculpture. Je sais qu'il me faut l'ouvrir, pour voir si elle est là. Et en même temps, je n'ose. Peur de constater son absence. Peur de confirmer qu'elle est partie, envolée.

Volée...

Dans des mains qui ignorent sa vraie valeur. Bien plus qu'une valeur marchande. J'essaye de me raisonner, me dis que, au pire, je pourrais en acquérir une nouvelle copie. Cette pièce n'est pas une pièce unique, comme souvent pour un bronze. Ils sont produits en un nombre fini d'exemplaires, pour amortir les coûts de production. Mais ce n'est pas une copie que je veux. Je veux celle-là, celle que j'ai reçue il y a 3 ans. La mienne. Pas une copie.

J'ai déjà été cambriolée. A Bordeaux, quand j'étais étudiante. Je n'avais rien à l'époque. Ça avait dû énerver le voleur. Il avait vidé toutes mes boites de thé (!!). On aurait pu faire infuser mon appartement studio au complet. J'ai appris plus tard que c'était un classique de planquer ses bijoux dans les boites à thé. That's why. J'avais trouvé mon voleur bien vicieux à l'époque. A part ça, ça ne m'avait pas traumatisée... hormis un matin de pluie, où j'avais réalisé qu'il s'était barré ... avec le parapluie!! Sinon, je n'avais eu aucun sentiment de perte, de vol en tant que tel.

Mais là. MA sculpture...

Je me suis sentie triste. Vraiment. La perte d'une amie. J'ai ouvert le dernier carton, déballé mes théières, que j'avais emballées individuellement dans du papier journal, une à une. Une fois le carton vide, j'ai dû me rendre à l'évidence. Point de sculpture !.. J'ai eu envie de pleurer, tentant de me moquer de moi devant un tel acte flagrant de matérialisme aigü.

J'ai cherché d'autres cartons, que j'aurais pu oublier. Je n'ai pas trouvé. Puis, soudain, dans un placard. Un carton étiquetté "Décos de Noël". Puis à coté, écrit allez savoir pourquoi, en plus petit, "sculpture". Mon coeur bat, je saisis le carton. Effectivement étonnament lourd pour ne contenir que des boules et des guirlandes. Je l'ouvre le coeur battant. Et la découvre là, recroquevillée dans sa chère posture, toute maculée de paillettes rouge d'une décoration qui s'est répandue.

Mais elle est là. Ici. Pas volée, pas dans un endroit que j'ignore. Mais là, ici, avec moi, encore. Et je me sens à la fois stupide et éminemment heureuse et soulagée.

P1070136

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Commentaires
T
On a tous des choses importantes à nos yeux. Vous avez traduit vos émotions et réussit à faire monter le suspens jusqu'au dénouement. Bravo et je suis comme les autres j'ai poussé un ouf de soulagement à la fin de votre récit. Et en plus maintenant, je sais que vous êtes brune.
R
quasiment une nouvelle à suspense ton truc!!! je commençais à paniquer moi!<br /> C'est normal de s'attacher à des choses matérielles dans certains moments où les choses immatérielles nous échappent. Et ce n'est pas par hasard que tu as choisi une sculpture qui te ressemble, elle t'a "parlé", et quand j'ai vu la photo de la sculpture j'ai tout de suite pensé que c'était une représentation de toi! avant même de savoir que tu l'avais retrouvée, et de voir la photo finale.<br /> Je serais très malheureuse si je n'avais plus mon tableau (celui du salon), ma première oeuvre d'art aussi.<br /> Des étapes de vie importantes.
J
ma fille chérie,<br /> C'est drôle comme on peut s'attacher à certaines choses dans la vie. Pas forcément des choses de valeur, mais des choses qui ont de la valeur pour soi, uniquement. J'ai depuis plus de trente cinq ans une calculette à 3 balles à laquelle je suis attaché va savoir pourquoi !!!....<br /> Comme je suis assez bordélique de nature je l'égare souvent dans l'appart. Et à chaque fois je me dis : pourvu que je ne l'ai pas perdue. Et je pousse un ouf de contentement quand je le retrouve sous une pile de feuilles de papier!!!!..
D
je lisais ton mot et j'avais tellement de peine pour toi et à la fin j'ai poussé un grand soupir de soulagement. Ca t'a fait vivre un tas d'émotions et je suis contente que ca se termine bien. En tous cas, elle valait la peine car elle est vraiment belle ta sculpture et la photo de vous deux...très émouvante. Bonne journée!
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