My dream est un drame
J'ai rêvé d'un autre monde. Il y a longtemps. Il y a un an. Un rêve qui était fascinant de clarté, de précision et, fait notable, de cohérence. Qui m'a laissé un tel sentiment au réveil que j'ai voulu en garder la trace par écrit. Le titre de la nouvelle est aussi une évidence de mon rêve.
Aussi, fait exceptionnel sur ce blog, pour la première fois, je vous soumets une de mes nouvelles. Un voyage onirique, au pays des femmes fossiles. Curieusement, lors de l'écriture, j'ai utilisé le pronom masculin de la 3ème personne "il" à la place du "je". Autre évidence dont je tâcherais de discuter avec un spécialiste de Freud. Si d'aventure j'en croise un un jour...
Les femmes fossiles
Il était arrivé dans un territoire inconnu. Il s’était réveillé, il ignorait comment, d’un voyage qu’il avait effectué, il ignorait pourquoi. Mais il était là au milieu de cette place...
Il est allongé sur la margelle d’une fontaine, qui semble se trouver au milieu d’une place de marché. Il regarde autour de lui et, où que son regard se porte, il y a du monde, un monde fou. Une foule compacte.
Les gens vont, viennent. Il y a beaucoup d’agitation. Tous ont l’air pressé, personne ne va dans la même direction. Les gens se croisent, se heurtent. Et lui, il est là. Allongé sur le bord de la fontaine, il ne voit que l'agitation des jambes de ces gens. Il essaye de se rappeler qui il est, ce qu’il fait là. Il essaye d’interpeller les gens « Qui suis-je ? Où suis-je ? ». Mais personne ne le regarde, personne ne l’entend. Personne ne lui répond.
Dans la foule, la foule si pressée, il remarque des créatures très étranges. Elles sont grandes, plus grandes que la moyenne, une fois et demi la taille des gens de ce pays. Elles sont nues, ce sont des femmes. Très filiformes, très fines. Imberbes, pas de cheveux. Et de grands yeux. Grands ouverts, très doux, presque étonnés. Si elles n’ont aucun poils, elles ont en revanche de longs cils noirs, qui renforcent la douceur de leur regard. Elles ne bougent pratiquement pas. Elles se laissent ballottées par le mouvement de la foule, et on sent qu'à la différence des autres, elles n’ont pas de destination, aucun endroit où aller.
Alors que tous courent avec ce regard fixe que l’on a quand on se presse vers quelquechose, ces femmes ont au contraire un regard très englobant, comme si elles essayaient de saisir quelquechose.
Dans sa tête, il entend « Ce sont les femmes fossile ».
« Les femmes fossiles ? Mais ... qui me parle ? Qui sont ces femmes ? ».
L’étrange voix dans sa tête lui répond. « Les femmes fossiles ont été désignées à leur naissance. Choisies au hasard parmi toutes les castes qui forment la population de ce pays. On les a séparées très tôt, dès le premier jour, dès le premier instant, de leur parents. Elles n’ont reçu aucun amour, aucune caresse. Personne ne les a jamais aimées, personne ne leur a adressé la parole. Elles ont grandi dans l'indifférence totale de leur personne. On ignore pourquoi elles grandissent ainsi, mais on sait que c’est le manque d’amour qui rend leur peau si dure, comme de la pierre. Elles sont fossilisées, elles sont asséchées. Et pourtant, au fond d’elles, elles continuent d'espérer. C’est ça leur regard doux."
L'homme sur la fontaine s'assoit maintenant. Il est stupéfait, révolté par l'injustice des propos que l'on (qui ?) lui a adressés. Il regarde fébrilement autour de lui, dévisage les femmes fossile qu'il aperçoit dans la foule. Il se souvient maintenant. Lui est un Gouteur de Peau, il pourrait sauver ces femmes.
Une d'elle accroche enfin son regard. Il essaye de s’élancer vers cette femme, il pense « Je peux la sauver ! Si je la prends dans mes bras, un micron de sa croute disparaitra. Je veux aimer cette femme, je veux la caresser !! ».
Il s’élance, mais le mouvement de la foule est trop intense, la foule trop dense. Les gens trop serrés. Il n’y arrive pas. De l'autre coté de son regard, il y a cette femme pourtant, cette femme dont le regard ne quitte pas l’homme. Un regard fixe maintenant, mais sans espoir malgré tout. Elle continue à le regarder, comme un point d’ancrage, comme un phare vers lequel il faudrait qu’il se dirige.
Il panique, il s’affole. Il essaye de remonter la foule. Mais les gens continue à l’éloigner. Et il entend dans sa tête « Ne vous inquiétez pas. Vous n’êtes pas le premier. Je ne peux pas être sauvée ».
Pendant que la femme cligne doucement des yeux, détourne son regard. Et s'éloigne inexorablement.
... je viens de relire ce texte, et une évidence qui ne m'avait pas frappée avant m'est venue. Ce texte est en fait le sujet de cette chanson-là.