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Le Blog de CL
11 novembre 2011

L'indicible

J'aimais assez bien les cours de philo. Assez bien, pour quelqu'un en terminal scientifique, je veux dire. Comme toujours pour ce genre de cours, l'interêt venait avant tout du prof plus que de la matière. Cela tenait à sa façon qu'il avait de se moquer de nous, de son air hautain et du vouvoiement qu'il utilisait à notre endroit. Ça a été le premier prof à nous vouvoyer. Cela dérangeait certains de mes camarades (l'éternelle attitude de ceux qui perçoivent le vouvoiement comme une distance méprisante, sans y voir le respect qu'il signifie). Je n'ai pas retenu grand-chose de ces heures à philosopher. Le vouvoiement, ma note au bac (la seule de l'année où j'ai eu la moyenne !), et un cours sur le paradoxe de la représentation de la Gorgorne en peinture. Ce personnage mythique qui pétrifiait quiconque osait croiser son regard. Le prof s'interrogeait sur la finalité d'une telle peinture, sur les motivations du peintre à vouloir représenter un tel sujet, sachant que s'il y parvenait, il mourrait. Pétrifié par le regard de sa propre peinture, suicide artistique éminement sublime - Je ne sais plus dans quel contexte il nous parlait de cela, peut-être sur la sublimation de l'art, ce souci de l'artiste à atteindre une perfection telle qu'il sait qu'elle le tuera ? Ou bien, cette volonté de de créer une chose par nature impossible ?

meduse

Méduse, de Le Caravage

Je repensais à cela, ces derniers mois où j'ai peiné à écrire. Je traverse des périodes de ce genre. Une sorte d'anorexie de l'écrit. Non que je manque d'idées ou de sujets, mais ceux-ci frôlent parfois l'indicible. C'est en relisant la définition du dictionnaire que j'ai compris mon silence. Ma sécheresse d'écriture. Mon blocage :

indicible adj. (in-di-si-bl') : Qu'on ne saurait dire, exprimer.

J'ai relu mes notes, celles que je ne peux m'empêcher de jeter sur un petit carnet noir. Des phrases, parfois juste un mot, comme une clé qui me rappelle l'idée à laquelle je l'ai associé. Il y avait cette phrase, d'une prétention absolue si on y songe "C'est au moment où je suis le plus proche de la compréhension du monde que je ne puis l'exprimer".

C'est là que j'ai repensé à la Gorgone et à ces peintres qui, malgré tout, malgré l'échec de l'entreprise ou bien - pire ? mieux ?- le succès qui entrainerait leur propre mort n'ont eu de cesse de dessiner leur propre indiscible. L'indescriptible d'un regard tueur.

Et je me suis dit qu'il était temps que moi aussi, je m'y mette.

 

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