Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog de CL
10 janvier 2013

Le plaisir d'offrir

Un samedi de décembre, le lendemain précisément de la tuerie du Connecticut, Héloïse m’annonce « J’ai besoin d’un pistolet à pétard » ( !).  Une fois la première surprise passée, elle me rappelle qu’en effet, le jeudi suivant, c’est la nuit de Noël à l’école et qu’elle doit offrir un petit cadeau au camarade de classe dont elle a tiré au sort la liste de cadeaux souhaités.  

Un pistolet à pétard, donc...

Ma première réponse, certes conditionnée à chaud par les premières heures hautement émotionnelles qui ont suivi l’événement,  (oui je sais, est-on hypocrite de se sentir touché ainsi par la mort de ces petits américains de l’autre coté de la frontière qui ressemblent tant aux nôtres alors il y a des tas d’autres enfants qui meurent dans le monde bla bla bla....) Bref, ma première réaction en a été une entre l’horreur et la surprise.:

- Mais, mais, MAIS... Voyons... Héloïse... On NE peut PAS offrir ça ! Surtout pas MAINTENANT ! Encore moins pour une nuit de Noël qui va se passer DANS UNE ÉCOLE PRIMAIRE. (Sur le ton de non-mais-c’est-dingue-tu-n’y-penses-même-pas qui part dans les aigüs et les trémolos en fin de phrases)

 J’en suis limite à reconsidérer ma douce Héloïse sous un œil nouveau de suspicion maternelle. Fait-elle preuve d’un affreux manque d’empathie ou quoi ?  Vais-je me retrouver bientôt écrire un livre intitulé « Il faut qu’on parle d’Héloïse » ? ...

(on respire un grand coup, on se calme)

Héloïse me regarde avec ce regard qui je lui connais si bien. Un étrange mélange d’exaspération contenue, de douce patience face à cette mère toujours si prévisible dans ses prises de tête qui n’appartiennent qu’à elle, et dans un soupir contenu et avec ce ton docte et un peu ralenti dont elle a le secret (vous savez, celui qu’on utilise pour parler à un débile) elle me rappelle cette simple vérité :

- Allons, maman. C’est n’est qu’un jouet !

Ah ! AH ! Prise en flag’ de jeunisme, ma fille ! Faut-il bien avoir 10 ans pour proférer de telles inepties ! Car, sache, ma fille qui connaitra peut-être un jour les joies existentialistes de la maternité, qu’un jouet est tout sauf « QUE » un jouet. Ça, c’est le discours Niveau 0 bon pour les gamins.

Mais quand on devient parents, figure-toi, rendus au Niveau Avancé du Concept Jouet, un jouet devient une ARME DE CONSOMMATION MASSIVE. Si ! Le choix d’une Barbie ou d’une dînette, d’un train ou, tiens, d’un pistolet à pétard, au hasard, a une portée consumériste, politique, écologique, sexiste, empreinte carboniste, et tuttit quantiste. Toutaf’ !

Sache que tu ignores TOUT de mes perpétuelles interrogations lors du choix des cadeaux pour toi ou pour ta soeur et « sur leur impact sur votre construction identitaire et sur votre développement cognitif». Sais-tu que j’ai même envisager offrir une dînette ou une Barbie à tes cousins, juste pour compenser coté équité ? Si, mademoiselle.  

Alors non, ma fille, ce bidule apparemment bien inoffensif dans son emballage plastique est TOUT sauf « JUSTE » un jouet. Et encore, note que je t’épargne le discours sur la Nième merde Made In China, évidemment ni équitable, ni durable, encore moins écologique, fabriqué peut-être par un enfant sous-alimenté et déscolarisé, voire battu, en plus de contenir du plomb dans sa peinture ainsi que d’autre substances forcément cancérigènes dans son plastique. Mais ceci est un autre débat (ou pas). 

Pour résumer, ma fille, en cent mots comme en un, ceci N’est PAS QUE un JOUET. 
CQFD.

Mais en ce samedi matin de décembre, je décide de garder par devers moi ces hautes considérations philosophique et de « circonscrire mon discours dans un souci d’éducation  efficace via une communication claire et aux enjeux dûment identifiés ». (Et là,  c’est moi qui ait des envies de meurtres envers les pédopsychiatres et autres annihilateurs de spontanéité parentale me prennent, mais chut).

gun

Je respire à nouveau profondément, donc, et me rends avec elle au rayon jouet « pour voir ». Nous tombons, entre autre, sur un petit pistolet à pétard et ses recharges toutes rondes et rouges, qui semblent bien inoffensives... Et je me souviens... Je me rappelle avec une douce nostalgie de l’odeur caractéristique  de poudre, du moins ce que je considérais être à l’époque l’odeur de poudre, juste après avoir appuyé sur la gâchette et entendu le BANG émis par la petite capsule éclatée. Je nous revois, mes 3 frères et moi, jouer  aux cow-boys et aux indiens. Ou à rien, d’ailleurs, sinon à tirer sur le petit pistolet histoire de se crever les tympans avec le BANG, et les narines, avec l’odeur.

Je tente une diversion auprès de la Poupoune, qui s’en fout de tout ça, elle, elle veut trouver le cadeau à offrir a son pote jeudi et basta, on va pas y passer la nuit.

- Bon... Y avait quoi d’autres sur sa liste ?

- Rien !

- Comment ça rien ? Il ne faut pas mettre plusieurs choix, en principe sur votre liste, pour avoir une sorte de surprise quand même ?

-  Si, mais lui non. (Regard exaspéré d’Héloïse qui se demande bien pourquoi autant de questions. On le prend ce pistolet à pétard, oui ou quoi ?).

Pfui... En plus, on est tombé pile sur le p’tit con camarade visiblement privé de pistolet à pétard à la maison (avec donc, au hasard, des parents pris dans les même dilemmes que nous) et qui veut absolument son pistolet à pétard en ne proposant aucune autre option. Ok, je comprends son point de vue. Mais ce jour-là, il m’est psychologiquement/moralement/hipocritement/lâchement/bien-pensance-ment (rayer la mention inutile) impossible d’envisage d’acheter ça à ce gamin. J’explique la chose en 2 temps, 3 mouvements à Héloïse (avec l’argument indéfendable « Tu verras, si tu expliques lundi à ta maîtresse, elle sera d’accord ») et je conclus par :

- Allez, on lui prend une petite voiture, et basta.

Soupir résigné de la Pouponne.

Puis, après, CL-le-p’tit-Diable, en arrière plan « T’as raison CL, bien la p’tite voiture par rapport au pistolet. C’est vrai quoi, une voiture. Y a rien là, coté impact potentiel sur l’adulte de demain. Une voiture, c’est bien connu, c’est pas dangereux DU TOUT. Ça ne tue pas des milliers de personnes par année sur les routes, hein CL ? ».

Pfui... « Plaisir d’offrir » ... un slogan de merde, si vous voulez mon avis.

 

IMG_3921

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
F
Personnellement j'ai aussi vécu tous ces dilemmes avec mes 3 garçons alors comme je te comprends bien.
Le Blog de CL
Publicité
Archives
Publicité