Raccommoder son amour
La semaine passée, Alexane me tend, désespérée, Madame Mon Amour, en train de perdre la tête :
- Mamaaaan ...
Je souris au passage sur ce réflexe qu’elle a (qu'elle a encore) de se tourner vers nous, son père ou moi selon la situation, avec juste cette injonction - "Papa !", "Maman !" - qui contient tout sa certitude qu’on va résoudre son problème. C’est ce que j’ai le plus aimé chez mes parents, je crois. Cette confiance aveugle. Cette intime conviction qu'eux sauraient, qu'eux pourraient. C’est là-dessus qu’un enfant devrait toujours pouvoir se construire. Avec ces filets de sécurité, auxquels on espère n'avoir jamais avoir recours mais que l'on sait là pour nous réceptionner si jamais on tombe.
Toujours est-il que l'heure est grave. Madame Mon Amour se décompose (un essorage mal controlé). Alors je refais ces gestes que j'ai vu ma mère faire avant, et ma grand-mère avant cela. Que je fais trop peu alors les feront-elles un jour ? Sortir ma boite à couture, choisir la couleur du fil pour réparer les blessures. J'hésite : avec quoi répare-t-on un amour ? Sera-ce du rose pâle, pour tenter une réparation discrète ou un ton plus foncé, qui laissera comme une jolie cicatrice ?
De toute façon, quelque soit la couleur, vu mes talents de couturière, le racommodage ne sera pas discret, alors je me décide pour un joli mauve foncé. Je m'applique à rajuster un pli par ci, un piqué par-là. Je me rappelle ma grand-mère, toujours une aiguille et un tissu à la main, qui m'apprenait les différents points de couture et de broderie : le point de chausson, le faufilé, le point de chainettes, et tous les autres dont j'ai oublié le nom.
Pour Madame Mon Amour, j'opte pour un simple point de surjet. A faire ces gestes ancestraux, point après point, le temps ralentit et suspend son vol ... Tandis que Madame Mon Amour reprend forme peu à peu et retrouve toute sa tête.
Puis ensuite, c'est ma belle Alexane qui retrouve son sourire, face à une Madame Mon Amour rafistolée ... avec tout mon amour.