Quand l’érogène devient cancérigène
« Vieillir, c’est quand l’érogène devient cancérigène ».
Cette phrase (à la c..) pleine de bon sens, à défaut d’être pleine de poésie, m'est venue à l’esprit il y a quelques mois. Alors qu'un charmant anglo m'auscultait le sein droit. Je me souviens très bien, ce jour-là, j'ai aussi appris un nouveau mot, fait notable, vu qu’à notre âge (!), ils sont rares, ces jours où l'on apprend des mots nouveaux, non ?
Le nouveau mot, c’était « nodule », un mot assez mécanique à mon sens, qui, en médecine, signifie « petite grosseur dure, arrondie et limitée ». Nodule, c’était donc le mot officiel de la chose suspecte, dure et douloureuse que je m’étais trouvée à cet endroit incongru un beau matin sous la douche. Le genre d’intrus, vous savez, qui n’arrive qu'aux autres.
Sous le coup de la découverte, je ne m’étais pas inquiétée. Vu que ça n’arrive qu’aux autres. Mais au bout de 2h, assise dans la salle d’attente du Pavillon des Femmes de l’Hôpital Royal Victoria, j’ai eu le temps de me monter un petit scénario. A ma décharge, il faut reconnaître que la chose a été somme toute aisée, il m’a suffit de croiser le chemin de cette femme, chauve, de mon âge ou à peine, qui marchait à pas menus, telle une vieille, courbée, accrochée au bras de son mari.
J’ai vite compris à cet instant que cancer, ce n’etait pas juste un truc que l’on croise dans les horoscopes. Que ça existait « dans la vraie vie » pour paraphraser ma fille. Et pas que chez les autres. On fait moins la maligne d'un coup.
Ce jour-là, funeste farce ou réelle volonté de bien faire, il y avait aussi cette femme (la connasse du jour?) qui vendait ces petits rubans roses, symbole de la lutte contre le cancer du sein, là, aux femmes qui patientaient dans la salle. Quel tact! Là encore, j’ai vite compris la différence entre « lutte contre LE cancer » et « lutte contre MON cancer ». Je lui ai rien acheté, je l'avoue. J’ai eu comme l’idée que ça allait me porter malheur. On devient vite ésotérique quand le malheur rôde...
Donc, il y avait cet anglo charmant, qui ne disait rien, qui tâtait en silence, avec le regard ailleurs du type qui se concentre et qui réfléchit. Il y avait moi qui le dévisageait, tentant en vain d’interpréter –grave? pas grave ?- ce regard qui oscillait, un coup à droite, un coup à gauche. Etait-ce que c’est bon signe ? Etait-ce grave? Est-ce que cette calamité qui s’affichait sous nos yeux dans toutes les salles de gynécos du monde m’était finalement tombée dessus ? Il est effarant de constater la rapidité de nos neurones en ces instants de fin du monde...
Finalement, il a eu ce petit sourire, cet air universellement traduisible par « Ah ça? Mais ce n'est rien ma p'tite dame! ». C'est là que j’ai appris mon mot-du-jour "Ce n'est rien, c'est un nodule mammaire fibreux". Je vous l'accorde, dit comme ça, ça m’a pris moi aussi un moment avant de comprendre que c’était une bonne nouvelle.
Un petit scanner plus tard, histoire de confirmer le tout, il m'a donné le choix : le retirer ou le garder. Coté sous-tif (et au point où j’en suis dans le dévoilement de ma vie privée, ah ! Ces bloggers ! Aucune pudeur!) j'en suis aux bonnets A. Traduction pour les néophytes, et de façon très CL-asse, coté nibbards, je suis comme qui dirait receveur universel... Alors nodule ou pas, du moment qu'il faisait pas le malin (humour...), j’ai décidé de le garder.
Et, finalement, de cette histoire, j’en ai tiré une philosophie similaire à celle d’Alexane finalement: mon objectif dans la vie, c’est de vivre.
PS1 : Cette histoire m’est revenue (mais l’avais-je vraiment oubliée?) en lisant ce post laissé sous l’excellent site VDM :
Aujourd'hui, le gars de mon club de natation que je drague depuis un moment me sort "Dis moi..." Moi aux anges : "OUI ?" "Si t'avais pas de pieds, est-ce que tu mettrais des chaussures ?" Je réponds "Bah nan". Il me rétorque : "Alors pourquoi tu mets un soutif ?"
PS2 : Si je la raconte aussi, c’est parce que j’ai appris récemment que deux de mes amies s’étaient faites diagnostiquées la même chose. C’est à dire que deux amies sont passées par ces instants d’angoisse détestable. Et que comme moi, elles ne l’avaient dit à personne...