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Le Blog de CL
28 avril 2010

Le bruit d’une coque qui se rompt‏

Dimanche matin pluvieux à NYC. Nous brunchons dans un café de la 7ème Avenue,  en regardant  la pluie tomber qui entame à peine l'agitation new yorkaise. Le design du lieu n’est pas sans évoquer une ambiance de cantine monacale, sûrement en référence à son nom « Le pain quotidien ». Le plancher est de bois, les mur aussi, jusqu’à mi-hauteur, le reste étant comme blanchi à la chaux. Les serveur portent des tee-shirts aux tons bruns des robes de bure des moines. Seul le bruit des conversations et des couverts qui s’entrechoquent brisent le recueillement qui rendrait l'illusion parfaite.

Les gens rentrent et sortent, certains passent à coté de notre table, pour atteindre le fond de la salle. Puis soudain il y a ce bruit. Le bruit d’une coque qui se rompt. Un bruit mat, bref, qui évoque le craquement du bois. La noix qui se fend en tombant. Le billot de bois qui se sépare en deux sous le coup du burin.

Une femme vient de s’évanouir à coté de nous. Elle n’a pas eu le temps de se protéger le visage, elle est tombée face au sol. Le bruit qui m’a accrochée  est celui de son crâne contre le parquet.

Affolement général, des serveurs s’attroupent à ses cotés, elle reste immobile, allongée la face contre le sol. Quand elle recouvre doucement ses esprit et se relève, le sol est tâché de sang et son front présente une large entaille verticale. De la racine de ses cheveux à la base ses sourcils. Son nez saigne aussi. Cela fait beaucoup de rouge sur le blanc livide de son visage.

Le bruit de la coque qui se rompt continue à me résonner dans la tête.  Par un geste inconcscient, je me frotte le front. Mais le bruit d’une coque qui se rompt se répercute à l’infini dans mon crâne

Je suis de la foule des inutiles. De ceux qui tendent leur serviettes de papiers pour éponger le sang. On se sait que faire, quand on assiste à ce genre d'incident. On se dit que, quand même, il faudrait vraiment le prendre ce cours de secourisme pour maîtriser les premiers soin. En même temps, s’y essayerait-on ? Avec un tel monde dans la place, il y a forcément une personne plus compétente que nous pour parer à l'urgence.

Que faire  alors ? Peut-on décemment manger notre tartne ricotta / figues  et proscuitto / pesto à coté d’une femme blessée qui attend l’ambulance ? Que faire, il n’y a déjà rien à dire ? Et on n’ose plus regarder.  On se sent mal d’être là, mal d’être bien, mal de ne pouvoir ni ne savoir aider. Mal de se sentir mal, parce que de toute façon, en quoi ça l'aide ?

Je pense à tout cela en regardant au dehors. Les parapluies qui valsent. Les cabs jaunes qui roulent.
Puis j’essaye de capter, par delà les conversations et le bruits de couverts, le cliquetis des gouttes qui frappent aux carreaux. Vaine gymnastique auditive pour faire taire le bruit de la coque qui se rompt.

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