Esthétique mortuaire

Un soir de la semaine dernière, discussion sur la mort et son éternelle énigme. « Maman, qu’est-ce qu’il y a après la mort ? », me demande Héloïse. Alexane en profite pour expliquer, incertaine et dubitative - et c'est là que je mesure les limites du cours d'éthique et religions mis en place par le ministère l'an passé - "Il parait que les animaux, ce sont ceux qui avant n'ont pas bien agi et quand ils sont morts, ils sont devenus des animaux".

Je leur parle donc des différentes théories sur l'après-vie, leur explique que, comme toutes les choses qu'on ignore, chacun essaye d’inventer une histoire qui le rassure parce que sinon, ça fait peur. "Vous avez peur de la mort, vous ?".  Alexane, les larmes aux yeux, se serre contre moi « Oui, surtout la tienne et celle de papa. Pis la mienne aussi ». Héloïse est prête à chialer aussi alors je décide d’orienter la conversation sur des choses un peu plus légères : ma propre mort, donc.

Je leur explique que mon histoire personnelle sur la mort, c'est qu'il n'y a rien après, et donc que çe ne me fait pas peur de mourir. Que la seule chose que je souhaite, c’est de rester dans leurs petits coeurs, car là je ne mourrai jamais (ouais, j’ai tout lu "Ma vie en mode mierve pour les nuls," pis ? ).

- Est-ce que c’est vrai que les morts qu’on enterre, ils sont mangés par des vers ?
- Disons qu'ils pourrissent tout seuls, comme les fruits qu’on laisse sur le comptoir.
- Et ceux qui sont brulés, qu’est-ce ce qu’ils deviennent ? (heu... la réponse n’est-elle point dans la question  ?)
- Ben heu.... ils deviennent des cendres. Après on peut le mettre dans une boite, appelée une urne et on la met ensuite où on veut.
- ... (les filles réfléchissent) Ils sont habillés comment les morts ? Est-ce qu'on les enterre avec les vêtements qu’ils avaient quand ils sont morts ?
- Ça dépend. Souvent c’est la famille qui décide comment l’habiller. Vous m’habilleriez comment, vous ?

A mon étonnement, l’idée ne les rebute pas et elles réfléchissent sérieusement à la question. Alexane, ma douce, prévenante et toujours attentionnée Alexane, propose de me mettre « ton châle gris que tu mets à la maison,  pour que t’aies pas froid..." :’)  Je lui dis que c’est tres gentil mais que ce n’est quand même pas très joli, que j’aimerais un truc plus festif, plus chouette. Pour être une jolie morte, quoi.

-         - Ta robe noire alors !  Celle de soirée.
Réaction instantanée d’Héloïse : "Ben non, sinon on ne pourra pas  la ...."

... elle s'arrète dans son élan, juste avant de dire « on ne pourra pas la mettre ». A l'aube de ses 9 ans, qu'elle aura fin décembre, je suis triste de voir que la bienséance prend déjà le pas sur les spontanéités juvéniles de ma toute petite ... Elle s’est arrété avec cet air coupable de celle qui peut paraitre égoïste (de fait, sa soeur la regarde avec des gros yeux offusqués) alors que je sais qu’elle n’est **que** ... comme moi. Pratico-pratique avant tout.

D'ailleurs, j'approuve "Je veux bien être une jolie morte, mais il ne faut pas gâcher non plus. Vous me mettrez une robe de soirée (c'est pas le nombre de petites robes noires incontournables qui manquent) que vous aimez moins".

Mon Héloïse, rassurée, acquièse dans un sourire silencieux. J’aime...

Comments

[Florie]

hé bien! tu m'as fait réfléchir à ce que je vais mettre dans....25 ans et plus pour me faire incinérer; la mode a le temps de changer.

Mais j'aime les réflexions de tes filles; pour les enfants, comme pour nous d'ailleurs, la mort est toujours mystérieuse même si moi je crois qu'il y a quelque chose apres la mort ne serait-ce que la rencontre de toutes les molécules des anciens morts qui se retrouvent et là j,ai bien hate de retrouver mon fils :-)

[Ton grand bro']

Ha, ma soeur ! Quelle bonheur de prendre le temps de te lire :-). J'arrive bientôt à cette grande question bien délicate à expliquer pour nos tous petits, mais tellement importante pour leur construction psychologique! Je vois d'ici le visage de Héloise au moment du .. oups!, et ne peux m'empécher ce petit rectus. Vous me manquez, et je vous embrasse tous bien fort.
Marc,